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lundi 21 juillet 2014

Pathologie et irrationalité : incompatibilité ou complémentarité ?(médecine traditionnelle) Par le Professeur Guy Agniel (docteur et agrégé en Droit Public) et Olivier Kasso (étudiant en Maîtrise de droit)

Pathologie et irrationalité : incompatibilité ou complémentarité ?
(Prefesseur Guy Angniel et Olivier Kasso novembre 2014

                                                          
« Si l'on doit aller à l'hôpital, il faut d'abord faire la potion kanake. Si tu ne l'as pas faite, alors la maladie ne pourra pas guérir vite. Je vois des gens dont la maladie est difficile à soigner parce qu'il vont seulement chez le docteur mais ils ne pensent pas que nos médicaments, à nous les kanaks, sont aussi puissants que ceux du docteur. Le docteur guérit la maladie qu'il peut guérir. Si c'est une autre maladie, il ne pourra pas »[1].

Au premier abord, l’incompatibilité entre les deux concepts est évidente : le terme pathologie est connoté scientifique, voire recherche occidentalisée, et ne laisse donc pas de place à l’irrationnel. Mais qu’en est-il lorsque l’on s’immerge dans des sociétés ou l’irrationnel (dans son approche occidentale) fait partie du quotidien ? Les exemples sont, notamment en Mélanésie mais pas uniquement, légion. Qui ne se souvient que le recours au guérisseur ou au sorcier était encore fréquent en Europe, dans la première moitié du siècle dernier ? Pour ce qui concerne le champ de nos investigations, nous ne citerons que les quelques exemples ci-dessous pour étayer notre propos et tenter de justifier les développent de cette communication.

1. Des exemples universels
Contre la toux, rien de tel qu'un bon bol d'urine[2] : le président bolivien a révélé, mercredi 2 juillet, qu'il avait autrefois l'habitude de se soigner en buvant sa propre urine. Evo Morales, un indigène aymara, est né et a grandi dans une région reculée de la cordillère des Andes.
"A la campagne j'utilisais de la lampaya et de la wira-wira pour soigner la toux et, il me coûte de dire la vérité, de l'urine. Quand un médecin me disait : 'Prenez de l'urine, c'est bon', je me soignais en prenant de l'urine, c'était ma médecine", a-t-il affirmé au cours d'une cérémonie publique dans la région de Cochabamba (centre), où il faisait installer des équipements médicaux modernes.
La lampaya et la wira-wira sont des plantes utilisées dans les traitements artisanaux contre la toux, les rhumes et les rhumatismes.
Pendant la cérémonie, le chef de l'Etat a assuré que les médecins boliviens devaient combiner les ressources de la médecine ancestrale, très répandue dans les zones indigènes et pauvres du pays, et celles de la médecine moderne.
Ce qui vaut pour le président bolivien actuel n’est pas isolé et se retrouve dans la sous-région mélanésienne du Pacifique :
-          En Nouvelle-Calédonie, le microcosme politique a été secoué en 2013 par le décès de Charles PIDJOT, figure du monde indépendantiste à Tanna (République de Vanuatu, partie de l’arc mélanésien) dans des circonstances qui ont entrainé sur les réseaux sociaux des commentaires clivant à la limite de l’outrance le monde ayant foi en la médecine classique occidentale et celui accordant une grande confiance en la médecine dite « traditionnelle ». La presse écrite locale, régionale voire nationale est, quant à elle, peu prolixe sur les circonstances du décès. Or, de notoriété publique, Charles PIDJOT souffrait d’une grave insuffisance rénale face à laquelle la médecine moderne semblait impuissante. Compte tenu de la réputation des guérisseurs du Vanuatu et de ceux de l’île de Tanna en particulier, l’intéressé aurait décidé de recourir à leurs pratiques. Rien ne permet de confirmer qu’il y ait eu, comme la rumeur l’affirme, utilisation de lames de bambou pour pratiquer des incisions, mais les témoignages portant sur d’autres pathologies sembleraient le confirmer.
-          En juin 2014, l’un des co-auteurs se trouvait lui-même hospitalisé dans un hôpital de Sydney (Australie). La première nuit, étant en chambre double avec pour voisin un Mélanésien de la Grande Terre[3] dont la toux, semble-t-il très douloureuse pour lui, l’empêchait de dormir. Ils furent donc été amenés à converser quelque peu. Il lui demanda alors de quelle maladie il souffrait ; après l’avoir longuement interrogé sur ses origines, le mélanésien estima avoir acquis la certitude que son interlocuteur était bien issu de la « brousse » et qu’il pouvait comprendre certaines choses dont les gens de Nouméa (Européens et assimilés) faisaient gorge chaude ; il lui confia alors dans un murmure : « ça, c’est pas maladie ; c’est le diable ». Le lendemain matin, ils furent transférés dans des chambres différentes, ce qui empêcha l’approfondissement de ce qui aurait été probablement d’un certain intérêt pour cette étude.
-          Enfin, lun des deux co-auteurs, est originaire du Vanuatu et plus précisément de l’île de Tanna. Il apportera ici le témoignage douloureux et très récent du décès de sa mère et tentera de faire partager son ressenti.
Notre objectif sera de poser la question, sans lui apporter de réponse doctrinale, de la coexistence en Mélanésie de la médecine occidentale (le plus souvent associée à l’identification et à l’éventuelle guérison d’une pathologie) et la croyance en l’intervention de forces occultes négatives à l’origine de la dégradation de la santé, voire de la mort du patient.
Nous avions, de manière jugée provocatrice par certains, posée dans un autre domaine la question du bien-fondé de l’idéal démocratique comme mode de gouvernance dans cette région du monde, caractérisée par l’exiguïté du territoire des Etats et l’organisation pyramidale du pouvoir du type de société humaine[4] L’opposition du concept occidental de la pathologie peut-elle, aujourd’hui, s’opposer avec succès à la croyance en l’intervention de forces négatives irrationnelles mais néanmoins sources de craintes et, a contrario, parfois d’espoir ?
2. Le processus : pathologie provoquée et remède traditionnel
Il convient ici de distinguer entre deux concepts diamétralement opposés : le sorcier, à forte connotation négative, et le guérisseur, dont l’action principale est de contrecarrer les manœuvres auxquelles se livre le sorcier.
Selon le co-auteur originaire du Vanuatu, « aujourd’hui quand on discute de Vanuatu avec  un ami kanak ou caldoche, il dit souvent avoir envie d’y aller mais qu’il a peur du « boucan »[5].  En Nouvelle-Calédonie, le Vanuatu est réputé pour ses « boucans », une publicité qui peut être un frein à la venue de touristes. Cependant, le Vanuatu est réputé également pour sa médecine traditionnelle et ses guérisseurs, ce qui attire chaque année des visiteurs venant de l’étranger, et notamment de la Nouvelle-Calédonie. On pourrait dire qu’il y a l’apparition d’un nouveau  type de tourisme, qui peut être qualifié de tourisme médicinal (traditionnel). En sens inverse beaucoup de guérisseurs Vanuatais viennent de plus en plus en Nouvelle-Calédonie car les Calédoniens font appel à eux pour « désenvoûter » des personnes, des lieux hantés et « emboucanés », pour protéger les personnes, les biens, les lieux. La plupart des personnes qui ont consulté un guérisseur vanuatais sont satisfaites du traitement suivi ». Ces médecins traditionnels guérissent par voyance, car ils possèderaient un pouvoir surnaturel leur permettant de « voir » à travers une personne la maladie dont elle souffre. Depuis la nuit des temps les habitants connaissent ces pratiques dont le savoir se transmet de génération en génération. Le don de voyance est en quelque sorte transmis selon la lignée à laquelle on appartient. Aujourd’hui, à Tanna  ou ailleurs dans l’archipel de Vanuatu, une pathologie ne peut pas être expliquée que par des raisons scientifiques, médicales ou simplement rationnelles. Le principe est qu’il y a une part d’irrationalité dans chaque maladie, ce que seul  un guérisseur peut percevoir. Il a le don de voir « au-delà », dans le monde des morts et des esprits maléfiques dont font partie les « boucans ». Il peut, par exemple, dire qui est la personne ou le « sorcier » qui est à l’origine  de la maladie ou de la mort de tel ou tel et peut dévoiler les raisons qui ont poussé à jeter un mauvais sort sur la personne malade. A Tanna, tout s’explique, même et surtout quand la médecine occidentale est impuissante et qu’un guérisseur arrive à obtenir des résultats. Le Vanuatu est riche d’anecdotes dans lesquelles le médecin occidental annonce à un patient et à sa famille que sa maladie est incurable, en donnant parfois le temps lui restant à vivre ; une fois le patient sorti de l’hôpital pour vivre ses derniers jours, un guérisseur peut lui redonne la vie, soit en chassant les esprits maléfiques, soit en lui faisant boire le médicament traditionnel qui permettra de le faire. Il peut également dénoncer le sorcier, ou la personne qui lui a fait du mal. 
Ces pratiques, étant inaccessibles à un médecin occidental,  ne sont souvent ni crues ni admises par beaucoup d’Européens. Cependant elles existent dans l’inconscient collectif de la population d’origine et les personnes allogènes qui ont eu de l’occasion de résider longtemps à Tanna les comprennent. L’exemple type est celui de Joël BONNEMAISON anthropologue contemporain arrivé dans les années 1970 à Tanna. Sa femme ne pouvait pas avoir d’enfant. Toutefois grâce à la médecine traditionnelle, sa femme lui donna un fils.
Selon les propos de Romain NAKO[6], « Joël est venu à Tanna pour travailler sur notre coutume. Avec mes deux frères, Niluan et Mimissa, il a étudié les chemins de la coutume. J’ai travaillé avec eux car ils ne parlaient pas le bichlamar[7]. Je me rappelle de sa première question : il voulait savoir comment nous tissions nos réseaux d'alliance, d'où venaient nos femmes ? Mon frère répondit à sa question puis lui demanda :
- Et toi, as-tu des enfants ?
- Non, ma femme ne m'a pas donné d'enfant. Et pourquoi ça ?
- C'est comme ça, Dieu ne lui a pas donné cette faculté... Mais quand j'observe votre coutume, je crois que vous avez les moyens de la rendre fertile ».
- Oui, c'est vrai, si tu le veux nous allons essayer ».
À la suite de cette discussion, Niluan prépara une potion qu'il fit boire à Martine en lui disant :
- À partir de maintenant et jusqu'à la naissance de votre enfant, il ne faut pas que vous vous fâchiez.
Martine fut donc enceinte, ils retournèrent en France. À l'annonce de la naissance d'un garçon, mon frère lui donna son nom : "Niluan" »[8].
Ces pratiques sont bien ancrées et réelles dans le monde mélanésien, tout comme par ailleurs dans des pays africains. La pratique de la médecine traditionnelle est une réalité vivante, et constitue le quotidien de Tanna. A Vanuatu, ne pas croire aux boucans et ne pas s’en inquiéter, c’est mettre sa vie en danger. Chaque comportement d’un  individu doit être le plus convenable, le plus respectueux possible. A défaut, la cérémonie de pardon doit être faite le plutôt possible pour éviter de s’attirer des ennuis. Mais, parfois, c’est par jalousie que des personnes peuvent vouloir faire du mal à une autre. Personnellement, l’un des co-auteurs de cette communication a été la cible de sorcellerie. Après consultation d’un guérisseur, celui-ci l’a mis en garde, ainsi que sa famille en ces termes : « il faut qu’il fasse attention à ce qu’il mange, avec qui il se promène. Car beaucoup de monde est jaloux du fait qu’il soit à l’Université ». Il a perdu sa mère il y a quelques mois de cela ; il explique que c’est à lui qu’on devait ôter la vie, mais ses adversaires s’en sont pris à sa mère, sachant que c’était la personne la plus importante pour lui. Sa mort aurait dû le décourager et le démoraliser, l’empêchant ainsi d’aller au bout de ses études. La maladie dont elle souffrait s’est rapidement  aggravée, pratiquement comme si cela était planifié à l’avance. Le guérisseur auquel la famille avait fait appel lui disait que ce n’est pas une maladie normale car à chaque rémission ou amélioration, une autre pathologie affectait une autre partie du corps. Cela a commencé par sa hanche droite : une fois guérie cela passa à celle de gauche ; le processus fut le même successivement pour ses mains, sa tête, et enfin sa gorge. Les derniers jours avant son décès, en état d’inconscience, elle prononça les noms de ceux qui avaient voulu sa mort.  Ces noms avaient été auparavant évoqués par son guérisseur. La famille du co-auteur est ensuite allée les solliciter afin d’enlever le mauvais sort qu’ils avaient jeté sur sa mère, en pensant qu’ils  auraient la compassion de le faire, mais  cela n’a pas marché. Ils étaient déterminés à aller jusqu’au bout de leur intention. Il était trop tard pour la sauver car les « emboucaneurs »  avaient pris une longueur d’avance sur la famille qui aurait perdu trop de temps en laissant trop longtemps la mère à l’hôpital. Il aurait fallait qu’elle retourne le plus vite possible à la tribu, après l’examen médical et la radiologie, pour que les chefs et les guérisseurs puissent combattre les mauvais esprits lancés contre elle. Car, à l’hôpital, les médecins interdisaient les médicaments traditionnels. Ce qui a  laissé aux sorciers le champ libre pour agir, puisqu’il était interdit au guérisseur d’intervenir avec sa médecine traditionnelle, laquelle aurait pu la protéger davantage contre les mauvais esprits.
Pour résumer, à Tanna, pour guérir, il faut avoir la sagesse, l’intelligence de choisir à quel moment il faut aller à l’hôpital pour consulter un médecin classique et à quel moment il faut à tout prix consulter et laisser la place à un guérisseur. Ce qui serait idéal, c’est qu’à Vanuatu soit autorisée l’administration du médicament traditionnel quand le patient  est à l’hôpital, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui : c’est pour cela qu’une plaie bénigne ou un simple mal de tête, peut déclencher quelles heures plus tard le décès d’une personne.
Cette approche, qui fait intervenir des éléments puisant leur source dans l’irrationnel, n’est pas propre au seul Vanuatu : on les retrouve en Nouvelle-Calédonie, même si la christianisation, appuyée par un maillage très serré de l’éducation publique et privée,   les a mis quelque peu sous le boisseau[9]. Ainsi l’anthropologue Patrice GODIN a-t-il pu rapporter, il y a moins de dix ans, la vivacité de cette confiance en la médecine traditionnelle sur son terrain d’études (Hienghène, sur la côte nord-est de la Nouvelle-Calédonie)[10] : « Un matin, un homme âgé se renverse le contenu d’une bouilloire d’eau bouillante sur les genoux. Le médecin qui le reçoit au dispensaire l’évacue sur Nouméa. Sur place, complication infectieuse. Au bout de quelques jours, et surtout après plusieurs visites de parents, il s’inquiète de toujours souffrir énormément. Un soir, profitant de la rotation du personnel infirmier, il s’échappe du CHT et prend le car du soir pour revenir à Hienghène. Le lendemain, avec un de ses fils, il consulte un devin. Le surlendemain, il obtient la réponse à ses inquiétudes. S’il ne guérit pas, c’est que lui ou quelqu’un de son entourage a commis une faute vis-à-vis de sa famille maternelle ». Le diagnostic du devin est très exactement : « malédiction des utérins » (hwanyen le hwan-hiri, en langue némi). Une discussion s’étant engagée entre le vieux, son fils et le devin pour éclaircir la raison de cette malédiction, elle débouche au bout d’une heure sur une hypothèse qui est agréée par le devin : quelques mois auparavant, le vieux et son clan ont récupéré une terre ancestrale dans le cadre d’une revendication foncière. Mais lorsque ceux-ci l’ont remise en culture, ils ont oublié de faire un geste coutumier à l’oncle maternel du vieux. Les ancêtres du clan utérin ont envoyé la malédiction en retour. Le devin préconise d’aller demander pardon à l’oncle pour cet oubli. « Le geste est accompli. Ensuite, l’oncle propose que le guérisseur et prêtre de son clan traite les brûlures. La conjugaison des deux traitements, kanak et européen, conduira à la guérison ».
La confrontation entre le point de vue de l’anthropologue européen et celui d’un médecin Kanak issu des enseignements modernes de la Faculté, se révèle en bien des points intéressante :
Pour Patrice GODIN, il existerait quatre grandes classes de maladies pour la pensée kanak traditionnelle :
-          D’abord, les maladies ordinaires, bénignes que les gens de Hienghène appellent simplement « maladies » (falic) et que les gens de l’aire linguistique paicî, plus au sud, appellent « vraies maladies ». Ce sont des troubles entraînés par des déséquilibres de l’hygiène quotidienne de vie. On range dans cette catégorie les troubles de l’alimentation, les accidents climatiques (refroidissement, exposition au soleil...), la ciguatera ou encore les maladies sexuellement transmissibles. Ces maladies se soignent dans le cadre familial, par le recours à une pharmacopée principalement végétale, connue sinon de tous du moins du plus grand nombre.
-          Il y a ensuite les maladies qui sont dites « maladies des Blancs » ou « maladies du docteur ». Elles n’étaient pas connues avant l’arrivée des premiers colons européens et de ce fait elles n’ont pas de noms dans les langues locales. Les seules exceptions sont dans le centre et le nord de la Grande Terre le pian et la lèpre. Le premier a été assimilé à une maladie de peau, la seconde à une forme ancienne de mycose rongeante. Les maladies du docteur sont, comme leur nom l’indique, du seul ressort de la médecine européenne dont on attend qu’elles les guérissent dans des délais relativement brefs.
-          Pour les deux autres catégories de maladies, il faudrait parler de « malheurs » plus que de maladies, dans le sens où ces catégories englobent non seulement des pathologies, mais aussi des évènements dramatiques frappant les personnes, les familles, voire la communauté dans son ensemble (disparition inexpliquée de personne, échec professionnel, accidents...).
o   - Parmi les malheurs, il y a en premier lieu ceux qui résultent de fautes commises. Et parmi ces fautes, on distingue souvent entre, d’une part les transgressions, l’oubli ou l’accomplissement défaillant de gestes rituels, les comportements irrespectueux... qui appellent une sanction de la part des ancêtres, et d’autre part le contact involontaire avec des lieux ou des objets « interdits », « sacrés » parce que chargés de présence ancestrale. Leurs conséquences ne sont pas les mêmes. Dans le cas des secondes, il existe un lien évident entre symptômes et nature de la maladie. Le contact avec une présence ancestrale débouche sur des altérations ou des lésions de la peau qu’on explique par une sorte de possession, l’ancêtre a envahi le corps du malade. Si on ne soigne pas cette possession à temps, le malade est dit sombrer progressivement dans la folie et peut même mourir. Pour les malédictions, qui relèvent de fautes de comportement, il n’y a pas lien de cause à effet, ainsi que l’a bien montré Christine Salomon pour le Centre-Nord de la Grande Terre. Un même symptôme peut se référer à des raisons différentes et une même raison aboutir à des malheurs complètement différents. La sanction envoyée par les ancêtres est par définition polymorphe.
o   - La dernière catégorie de malheurs relève de l’agression, de ce que nous appelons en Occident la sorcellerie. Il en existe de multiples formes, officielles ou clandestines, individuelles ou collectives, intrafamiliales ou guerrières.
Maladies des fautes commises et agressions sorcières ne se soignent pas de la même façon que les maladies ordinaires, car des puissances invisibles sont impliquées, ancêtres ou esprits malveillants. Le diagnostic est fait par un spécialiste, devin ou voyant.
Pour Paul QUAEZE, mélanésien de Nouvelle-Calédonie, docteur en médecine, « La conception de la santé chez le mélanésien repose sur des notions différentes de la compréhension occidentale. La maladie correspond à la manifestation d’un déséquilibre d’un ordre établi.
Elle va faire intervenir les fondamentaux de la société kanak, qui englobe l’homme dans sa dimension physique, sociale et mystique. D’un côté on a la parole, les plantes et les forces ancestrales et de l’autre, le stéthoscope, les molécules actives et les microbes. Alors que l’étiologie occidentale repose sur des relations entre un agent pathogène et une maladie, dans la société kanak, la maladie résulte d’interactions entre l’homme, son environnement naturel et social, et le monde mystique représenté par les ancêtres »[11]. Selon lui, dans le milieu mélanésien, on peut considérer qu’il existe trois sortes de maladies :
- Les maladies dites naturelles...
...dues à un déséquilibre de la personne à elle-même (maladies du chaud /froid, du sec/humide, de l’excès et du manque). Le traitement se fera par la pharmacopée familiale. Face à une plaie surinfectée, avec des lésions de grattage, le médecin occidental attribuera cela à un manque d’hygiène. Cette interprétation résulte de l’incompréhension entre le discours médical kanak et occidental. Dans l’échelle de gravité des ces maladies naturelles, celles qui ne se voient pas sont plus délétères que celles qui s’extériorisent. Donc une mère kanak s’inquiétera plus si son enfant se plaint d’un mal de tête ou de ventre que d’une plaie qui suinte.
 - Les maladies liées aux ancêtres
C’est quand une pathologie perdure, ne guérit pas assez vite. C’est la maladie des fautes commises, c’est la transgression d’un tabou, d’une règle clanique.  Le traitement sera le recours à un guérisseur. Ainsi les forces ancestrales sont en particulier capables de punir les actes ou les attitudes répréhensibles commis par leurs descendants. La consultation par le guérisseur cherchera à déterminer l’origine exacte du mal. L’entreprise du diagnostique mobilise tous les proches, car la maladie peut s’abattre sur le groupe entier si la faute commise n’est pas réparée. S’il y a eu transgression d’une règle sociale ou offense d’un parent, le malade fautif doit reconnaître son délit et entreprendre un geste symbolique de réparation. Ce n’est qu’à cette condition que le traitement appliqué sera efficace. L’offense étant pardonnée, le risque de conflits au sein du clan est écarté. Les ancêtres libèrent alors leurs pouvoirs protecteurs. Ils rendront les médications efficaces ou désigneront les plantes médicinales appropriées, notamment par l’intermédiaire des rêves. Ces solutions thérapeutiques n’apparaissent pas seulement aux guérisseurs mais au patient lui-même qui peut trouver son traitement en rêve. Il arrive aussi qu’un proche du malade se réveille nanti du savoir thérapeutique.
- Les maladies dites provoquées
Ce sont des maladies engendrées par des maléfices (boucans) lancés par un sorcier ; ou par des conflits entre individus suscités parfois par la jalousie. Si l’on conçoit que les forces ancestrales sont en contact permanent avec le monde des vivants, on peut envisager qu’elles interviennent à la demande de leurs descendants. Les symptômes de ces maladies dites magiques sont comme une maladie normale, à savoir fatigue, diarrhée, ou maux de tête, mais la survenue est aigüe et brutale.
Le remède passe obligatoirement par un spécialiste de la voyance. La médecine traditionnelle offre ainsi aux malades des solutions thérapeutiques qui englobent leur bien-être social et spirituel, valeurs que les mélanésiens ne retrouvent pas dans la médecine occidentale. Cependant, en évitant les ruptures brutales qui pourraient empêcher le passage d’un système à l’autre, en respectant l’essentiel des conceptions tout en y intégrant des éléments nouveaux, la tradition peut s’ouvrir à la modernité ».
Il est intéressant de noter que la maladie, au Vanuatu ou en Nouvelle-Calédonie, peut être aussi provoquée par des raisons humaines (jalousie d’un tiers) mais qu’elle peut aussi prendre la forme de la pathologie-sanction qui survient en cas de non respect du monde invisible des ancêtres. Ce phénomène est-il limité à la seule Mélanésie ? Cela ne semble pas être le cas, si on se réfère à l’analyse d’un médecin polynésien, d’origine wallisienne, lui aussi formé par la Faculté occidentale : «  Le Wallisien est généralement de nature endurcie face à la douleur. Cette situation conditionne ses rapports avec la maladie.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette « nature endurcie » :
- Son origine géographique : Wallis et Futuna est un archipel isolé où les conditions de survie étaient jadis difficiles.
- Assimilé au « peuple polynésien », sa corpulence s’impose (physiquement grand et fort).
- Culturellement, le wallisien entretient un certain sens de l’orgueil, il ne doit pas exprimer ouvertement sa douleur. ..
De nos jours, le patient wallisien ne consulte le plus souvent un médecin que lorsqu’il sent qu’il n’y a pas d’ultime autre solution.
Plusieurs raisons à cela :
- La recherche d’un « mauvais sort » dit « lotokovi » arrive avant toute idée liée à une maladie.
- le refus d’admettre que l’organisme puisse parfois du jour au lendemain être défaillant,
- le recours à la médecine traditionnelle (potions magiques, massages...).
- l’absence de dégât physique ou de preuve de la gravité de la maladie (ex : diabète mal équilibré avec ses conséquences à moyen et long terme...).
- le recours à la religion comme réconfort et refuge.
- la crainte de l’ingestion de trop de comprimés qui peuvent empoisonner l’organisme.
- le wallisien mais surtout les femmes wallisiennes sont de nature pudique ce qui peut être un frein aux traitements précoces de certaines maladies, notamment gynécologiques.
Ces différents facteurs conditionnent le comportement du wallisien face à la maladie.
Il n’est pas rare de revoir le patient qui se dit soulagé par le guérisseur tout en prenant le traitement qui a été prescrit ... »[12] 

3. L’aspect juridique : interdire, réglementer, accompagner ?
Ces différents témoignages comportent peu de propositions concernant la coexistence des deux types de médecine. Certes, on sent chez l’Océanien le souci de ne pas se couper des racines traditionnelles et donc de conserver les pratiques médicinales d’autrefois. Mais le poids des acquis d’origine européenne l’empêche visiblement de l’affirmer de manière claire. On notera en Nouvelle-Calédonie les travaux de l’universitaire Edouard HNAWIA, à l’origine d’une fort intéressante littérature[13] ; mais l’avancée la plus significative est à mettre au crédit des Îles Fidji, avec la création de WAINIMATE, qui met au premier plan les guérisseuses traditionnelles.
« Wainimate »: les guérisseuses traditionnelles des Îles Fidji
WAINIMATE[14] est une organisation non gouvernementale de femmes établie aux Îles Fidji, qui a le statut officiel de société fiduciaire à but non lucratif. Elle a pour but d’assurer la promotion, la conservation et la protection des savoirs relatifs aux pratiques de la médecine traditionnelle saines et efficaces et celles des plantes médicinales, au profit des femmes et de leurs familles, en menant des actions de formation, de sensibilisation, de démonstration, de consultation, de communication et de recherche. Leur principal rôle consiste toutefois à faire admettre la nécessité de conserver et pérenniser les traditions, la culture et les savoirs de la population autochtone.
WAINIMATE poursuit une politique de conservation à long terme de cette connaissance de la médecine traditionnelle, qui porte sur l’utilisation des plantes médicinales proprement dites. L’association s’emploie aussi à rechercher et interroger les guérisseuses. Visant plus généralement à lever les obstacles et briser les clichés associés à la médecine traditionnelle, elle cherche, en définitive, à faire accepter cette discipline, qui facilite l’accès à des soins médicaux peu coûteux, non seulement par les habitants des villes et des villages, mais aussi par le Ministère de la santé.
WAINIMATE a été créée en réponse aux inquiétudes suscitées par la disparition des savoirs en matière de médecine traditionnelle et de plantes médicinales à Fidji et dans d’autres pays insulaires du Pacifique Sud. Ce sont des Fidjiennes qui avaient participé au premier Atelier régional océanien sur la médecine traditionnelle, organisé en août 1993 aux Îles Fidji, qui ont créé cette organisation non gouvernementale. Les remèdes occidentaux sont inaccessibles à nombre des communautés et hors de portée de bien des résidents des Îles Fidji aux ressources modestes, qui habitent sur des îles éloignées et dans les villages de l’intérieur des terres, sur les deux îles principales de Viti Levu et Vanua Levu. Les femmes fidjiennes se sont alors organisées dans le but de promouvoir et recueillir des informations sur l’utilisation de la médecine traditionnelle en lançant une campagne de conservation des plantes médicinales. C’est ainsi que la campagne « SAUVEZ LES PLANTES QUI SAUVENT DES VIES » a vu le jour[15].
Par la suite, la responsable de l’éducation écologique, de la condition féminine et de l’éducation du SPACHEE (Comité du Pacifique Sud pour l’écologie et l’environnement) ont continué d’organiser des ateliers à l’intention des femmes des quatre divisions administratives des Îles Fidji. Ces activités ont débouché sur la création de WAINIMATE et la tenue d’ateliers de médecine traditionnelle destinés à 20 à 25 femmes à chaque fois.
Les participants sélectionnés pour ces ateliers étaient le plus souvent des guérisseurs traditionnels, des agents de santé des villages et, en règle générale, les hommes et les femmes qui s’intéressaient à la médecine traditionnelle.
La création de WAINIMATE en tant que société fiduciaire à but non lucratif a été annoncée officiellement le 7 avril 1995, Journée mondiale de la santé, qui coïncidait avec le deuxième atelier régional océanien sur la médecine traditionnelle, organisé à l’intention des femmes par Mary Rita, une guérisseuse des Îles Salomon, membre de  WAINIMATE qui a pris une part active aux deux précédents ateliers régionaux.
 Quels sont les objectifs et les stratégies de mise en œuvre ? On peut en identifier plusieurs, répondant à des axes d’action convergents, notamment :
A. Préserver le potentiel médicinal au plan national :
- En incitant les administrations publiques compétentes à dresser l’inventaire de toutes les réserves naturelles et des zones protégées en permanence afin d’en répertorier le contenu et de connaître la quantité de plantes médicinales disponibles.
- En promouvant l’aménagement de réserves de plantes médicinales et de jardins dans les communautés, les villes, les écoles et les dispensaires, entreprises respectueuses de l’environnement, spécialisées dans la production de remèdes traditionnels et de cosmétiques à base de produits naturels.
- En identifiant les plantes médicinales menacées, en réalisant des enquêtes ethnobotaniques et en interrogeant des guérisseurs traditionnels.
- En créant des pépinières de plantes médicinales pour garantir la pérennité de ces végétaux.
- En révisant la législation en vigueur (Loi sur les forêts et projet de loi sur le développement durable), et en proposant des amendements et des projets de lois, le cas échéant, pour protéger les plantes médicinales.

B. Garantir à tous des remèdes peu coûteux  
- En établissant un annuaire des guérisseurs de Fidji.
- En créant l’Institut de formation et de recherche WAINIMATE, chargé de mener des recherches sur les produits phytopharmaceutiques, fondées notamment sur l’analyse chimique des plantes médicinales, afin de déterminer leurs principes actifs.
- En produisant des documents en langue vernaculaire, en évitant le jargon scientifique, afin de diffuser les résultats de la recherche en médecine traditionnelle.
- En encourageant l’aménagement de jardins de plantes médicinales dans les familles, les communautés, les dispensaires et les écoles.
- En faisant en sorte, grâce à la coopération avec le Ministère de la santé, que les pratiques de médecine traditionnelle saines et efficaces soient reconnues et intégrées au système national de soins de santé.

C.  Protéger les droits de propriété intellectuelle des guérisseurs
- Par la rédaction de lois sur les droits de propriété intellectuelle, en facilitant leur adoption et en veillant à leur application.
- En informant les guérisseurs de leurs droits par le biais de documents en langue vernaculaire et d’ateliers.
- Par le lancement d’une campagne d’information « grand public » sur les droits de propriété intellectuelle et la législation applicable et en expliquant le sens de ces droits.

D. Veiller à l’innocuité et à l’efficacité des pratiques de la médecine traditionnelle

- En faisant en sorte que l’Institut de formation et de recherche WAINIMATE collabore avec l'Université du Pacifique Sud et d’autres institutions conduisant actuellement des recherches en matière de médecine traditionnelle.
- En organisant un atelier à l’intention des guérisseurs traditionnels, des professionnels formés à la médecine occidentale et des chercheurs en médecine traditionnelle, afin de promouvoir des pratiques efficaces et sans risque de médecine traditionnelle.
- En lançant une campagne d’information du grand public, pour soutenir cette promotion en s’appuyant sur des brochures et d’autres supports.
- Par l’établissement et la diffusion d’un descriptif du métier de guérisseur.

E.  Dissuader du recours à des pratiques de médecine traditionnelle risquées et inopérantes
- Dissuader du recours à des pratiques de médecine traditionnelle dont les risques et
l’inefficacité ont été mis en lumière par la recherche.
- Élaborer des lignes directrices claires à l’intention des membres de WAINIMATE quant au type d’informations à débattre en public.

F.  Faire en sorte que les savoirs détenus par les populations autochtones sur les plantes médicinales ne disparaissent pas
- Soutenir et encourager l’aménagement de jardins de démonstration et privés consacrés aux plantes médicinales.
- Inciter les jeunes femmes à devenir membres actifs de WAINIMATE.
- Recueillir les pratiques sûres et efficaces de la médecine traditionnelle en respectant
les droits de propriété intellectuelle.
- Organiser des journées ludiques ou des ateliers à l’intention de groupes de jeunes et d’écoliers pendant les vacances scolaires. 
À l’instar de celles d’autres régions du monde, les femmes du Pacifique Sud et des Îles Fidji jouent un rôle de premier plan dans la fourniture de soins de santé à leurs familles et aux communautés. Elles s’occupent des forêts voisines et des plantes utilisées fréquemment pour confectionner des remèdes traditionnels. La tradition veut que nombre de femmes autochtones trouvent dans les forêts et le milieu naturel les produits nécessaires à leur survie, tels que les ressources alimentaires et les matériaux utilisés pour l’artisanat.
WAINIMATE a lancé des campagnes, a informé et a organisé des ateliers locaux à l’intention des femmes. Il s’agit de sensibiliser la population aux problèmes qui se posent et à mieux l’informer dans les domaines de la collecte des savoirs relatifs à la médecine traditionnelle et de la conservation des plantes médicinales. Ces activités sont couvertes par les chaînes de radio, la presse et la production de vidéocassettes. 
De nombreux programmes pédagogiques et ateliers ont incité des Fidjiens à participer davantage à cet effort. Les femmes qui ont déjà participé à des ateliers en animent à leur tour. Les participants appliquent des méthodes participatives et expérimentales pour identifier les plantes médicinales, apprennent à les préparer et à les administrer.
WAINIMATE s’est employé à recueillir des informations en fidjien auprès des guérisseurs et à en apprendre plus sur eux. Quelles sont les plantes les plus couramment utilisées, celles qui deviennent difficiles à trouver, et pourquoi, constituent les questions posées à 2000 guérisseurs. Parmi les raisons invoquées à cette raréfaction, il faut citer la surexploitation des plantes à laquelle ils se livrent eux-mêmes.
WAINIMATE s’est penché sur ce problème ; l’association estime que la meilleure solution consiste à enseigner aux guérisseurs des méthodes durables de récolte des plantes médicinales. Des jardins ont été aménagés à cet effet à Fidji, et les guérisseurs sont invités à y faire pousser leurs propres plantes.
Les seules informations qui n’ont pas été consignées, et à juste titre, concernent les pratiques familiales, transmises de génération en génération.

Enfin, on notera la mise en place du diplôme d’études supérieures spécialisées en  médecine traditionnelle par l’École de médecine de Fidji, qui a soutenu et étudié la médecine traditionnelle, pratiquée parallèlement à la médecine conventionnelle. L’intérêt qu’elle lui porte et le soutien qu’elle lui assure se traduisent par :
- un cours portant sur la médecine traditionnelle et la recherche concernant à la fois les principes fondamentaux et les aspects sociologiques des remèdes traditionnels ;
- sa participation aux efforts déployés par le Ministère de la santé des Îles Fidji dans le but de mettre en place une politique nationale en matière de médecine traditionnelle (National Traditional Medicine Policy) ;
- sa collaboration avec WAINIMATE, par exemple en matière de recherche fondamentale sur les remèdes traditionnels, ou pour la création d’un jardin d’herbes médicinales, aménagé à la Faculté de santé publique et de soins primaires. 
Le Diplôme d’études supérieures spécialisées en médecine traditionnelle est un programme d’enseignement proposé par l’École de médecine de Fidji en collaboration avec l’Université du Pacifique Sud. L’École de médecine de Fidji contribue principalement à ce programme par l’intermédiaire de la Faculté de santé publique et de soins primaires (School of Public Health & Primary Care), en collaboration avec la Faculté des sciences de la santé (School of Health Sciences), la Faculté de santé buccodentaire (School of Oral Health) et la Faculté des sciences médicales (School of Medical Sciences) de l’École de médecine de Fidji.
La formation proposée s’adresse au personnel de santé, aux travailleurs sociaux, enseignants, chefs religieux et coutumiers, ainsi qu’à toute personne exerçant ses activités dans le domaine de la médecine, de la santé et des thérapies traditionnelles. Elle permet à ces derniers d’acquérir une large connaissance des différents aspects de la médecine traditionnelle dans le Pacifique, d’appréhender l’ensemble des méthodes de recherche pouvant s’appliquer à ces questions, et d’approfondir ainsi leurs connaissances afin de poursuivre leur cursus dans ce domaine.
Le Diplôme d’études supérieures spécialisées en médecine traditionnelle est accessible à toute personne justifiant, d’une part, d’une expérience d’au moins cinq années dans un domaine connexe et qui est, d’autre part titulaire d’une licence dans une discipline pertinente, approuvée par le Conseil d’études de l’École de médecine de Fidji après avis du directeur de la Faculté de santé publique et de soins primaires.
A l’issue de cette étude, qui ne se veut nullement exhaustive, la question reste entière : quelle place doit être réservée à la médecine traditionnelle et comment la valoriser ?

Novembre 2014
                                               Guy AGNIEL, professeur des Universités de droit public.
                                               Olivier KASSO, étudiant en maîtrise de droit.




[1]Robert Néja, Mofawé, traduit du a'jië, le 7 aout 1991. Rapporté par Catherine Salomon, « Savoir et pouvoirs thérapeutiques kanaks » – Ed PUF

[2]Publié par France TV le jeudi 03 Juillet 2014 à 09h43.


[3]Ile la plus importante de l’archipel de la Nouvelle-Calédonie.

[4]Démocratie et colonialisme dans le Pacifique, revue « Pouvoirs » n°127 - novembre 2008 - p. 137-149.

[5] Terme générique désignant un maléfice, un pouvoir de malfaisance détenu par un « mauvais » sorcier ou, au contraire, le don de chasser un ensorcellement ce qui est l’apanage du guérisseur. Il y a donc des bons et des mauvais boucans.

[6]« Le faiseur de route », témoignages recueillis sur Joël BONNEMAISON, un an après sa mort, par Jean-Christophe GALIPAUD, auprès de Michael KAPALU, Romain NAKO et Mickael WRELALA, 29 mai 1998.

[7]Sortes de créole mêlant l’anglais, le français et des langues vernaculaires, qui sert de langue véhiculaire dans de nombreuses îles du Pacifique, notamment en Mélanésie.

[8]Propos recueillis le 29 mai 1998 auprès de Romain Nako.


[9]Ce qui n’exclut pas parfois, des conséquences dramatiques ; ainsi, les 20 et 21 novembre 2014 la Cour d’assises de Nouméa a eu à connaître de l’assassinat par arme à feu, d’un chef de clan mélanésien d’une tribu de la côte nord-est de la Nouvelle-Calédonie. L’auteur du tir, son neveu utérin, le soupçonnait d’avoir provoqué la mort de son père et de son frère en utilisant un boucan. Il n’est pas exceptionnel que ce type de motivation soit présenté par la défense, mais il est toujours écarté par les magistrats.

[10]Patrice GODIN, anthropologue, in Bulletin médical calédonien et polynésien, n° 4 (2005), numéro spécial consacré aux médecines océaniennes, page 3.

[11]Paul QUAEZE, docteur en médecine, in Bulletin médical, op. cité, page 4.

[12]Dr Jean-Marie PAPILIO, « La maladie vue par le patient wallisien », docteur en médecine,  in Bulletin médical, op. cité, page 4.


[13]Notamment :
- HNAWIA E. Etude d’Euphorbiaceae utilisées en médecine empirique en Nouvelle Calédonie, Doctorat de l'Institut National Polytechnique de Toulouse, 1990.
- LORMEE N., CABALION P., HNAWIA E., LAUTRE (de) H. Enquête sur la médecine traditionnelle et les plantes médicinales de l’île de Maré, Ethnopharmacologia, 2010(45), 73-76.
- CABALION P., HNAWIA E. Savoirs naturalistes et substances naturelles bioactives : la médecine traditionnelle à l'aide de la pharmacie moderne, Bulletin Médical Calédonien et Polynésien, 24, 14-15, 2002.
- HNAWIA E., CABALION P. Se soigner par les plantes en Nouvelle-Calédonie, Gratuit Nord Boulouparis, 2008.
- HNAWIA E., NOUR M., LEBOUVIER N. Nos plantes pourraient guérir le cancer, Construire les Loyauté (Journal de la Province des Iles Loyauté), n°153, Décembre 2013

[14]« Wainimate » signifie médecine en fidjien ; elle est aussi connue sous l’appellation Women’s Association for Natural Medicine Therapy (Association féminine en faveur des thérapies de médecine naturelle).


[15]Extrait d’une interview accordée par madame Mme Litiana KURIDRANI, présidente de l’Association Wainimate, au Bulletin médical calédonien et polynésien, op.cité, page 10.