Contexte juridique Calédonien
Master 1 Droit 2015
Olivier KASSO
Commentaire d’arrêt de la
cour d’appel de Nouméa en
formation coutumière
Audience
publique du 19 avril 2012, N° de RG: 11/384
« La loi organique de mars 1999 formalisant a
proposition de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998, a substitué les termes statut civil coutumier à ceux
du statut civil personnel pour désigner
les règles de droit civil s’appliquant à certaines personnes en Nouvelle
Calédonie »[i]
L’arrêt
faisant l’objet de notre étude est rendu par la cour d’appel de Nouméa en formation coutumière, et qui date du 19 avril 2012, portant sur le changement de statut civil commun au statut civil coutumier. Et
notamment en ce qui concerne la
possession d’Etat civil coutumier qui est une preuve à l’acquisition du statut coutumier Kanak.
On
rappellera que la possession d’état d’un
kanak au statut coutumier se
définit par son lien particulier à la terre et son appartenance à un clan qui est
lui est définit par rapport à un espace spécifique avec, une vallée, une
colline, la mer, une rivière (…)[ii].
On entend par appartenance qu’un individu de statut civil
coutumier doit posséder ces traits.
De même les documents d’orientation de l’accord de
Nouméa précise cette adaptions juridique
à la situation sociologique de la
Nouvelle Calédonie, que “ toute personne pouvant relever du statut
coutumier et qui s’en serait trouvée privée à la suite d’une renonciation faite
par ses ancêtres ou par mariage ou par toute autre cause... pourra le retrouver
“[iii]
;
Ce
qui a fait l’objet de ce litige qui
opposait le requérant au ministère public.
En espèce Monsieur Karl X... est né le 26 juin 1982 à Koné
et déclaré deux plus tard comme ayant le statut civil du droit commun.
Il
résulte en outre des actes de naissance de ses deux parents, que son père est
de statut coutumier kanak, et sa mère origine de colon est de statut
civil de droit commun.
Agissant
sur le fondement de l’article 15 de la loi organique du 19 mars 1999, M. Karl
X... a saisi le tribunal civil de Nouméa, section détachée de Koné, le 17
décembre 2010, d’une “ requête à fin d’accession au statut civil coutumier “
tendant à constater la réalité du statut qui est le sien dans sa vie familiale
et sociale, et à modifier en conséquence la mention de son statut personnel à
l’état civil.
Le
ministère public a conclu, le 17 février 2011, à l’irrecevabilité de cette
demande au motif que le requérant, âgé de plus de 21 ans au jour de sa requête,
n’a pas présenté celle-ci dans le délai légal (trois ans à compter de la
majorité) fixé par l’article 12, alinéa 1, de la loi organique du 19 mars 1999.
Toutefois
par jugement du 21 février 2011, le tribunal, statuant en formation coutumière,
y a fait droit, et a ordonné la transcription du jugement sur les registres de
l’état civil des citoyens de statut coutumier de la mairie de Koné, outre les
mentions en marge de l’acte de naissance, conformément à la loi, et du registre
de recensement des citoyens de statut civil coutumier tenu à la mairie de Koné.
Le
tribunal s’est fondé sur un acte coutumier établi le 29 mars 2009, par
l’officier public coutumier de l’aire Paici-Camuki, dont il résulte que le clan
X... de la tribu de Koniambo, représenté par son chef de clan X... Philippe,
Boaé, “ atteste l’appartenance à la filiation coutumière de M. X... Karl “, et évoque
la situation matrimoniale de ce dernier et la naissance d’un enfant qui se
trouve être de droit commun du fait du statut actuel du père. Il autorise, en
conséquence, celui-ci à agir pour accéder au statut coutumier tant pour lui-même
que pour son fils mineur Jean-Daniel.
Le tribunal qui a relevé que le
requérant, quoi que né d’une mère de droit commun, vivait selon les règles
coutumières, en a déduit qu’il justifiait de la possession d’état visée à
l’article 12, et remplissait les conditions posées par les articles 12 à 16 de
la loi organique. Le tribunal a ainsi fait droit à la requête (laquelle
n’évoque pas la situation de l’enfant mineur).
Le ministère public est débouté et
interjette un appel devant la Cour d’Appel de Nouméa, en formation
coutumière. En effet le ministère public
souligne que M. X..., âgé de plus de 21 ans à la date de sa requête, n’est plus
recevable à agir, même s’il est en mesure de justifier d’une possession d’état
continue de plus de 5 ans.
Telle est la question que se pose la cour d’appel de
Nouméa. Peut-on retrouver son statut civil coutumier bien que le non-respect de
l’article 12 alinéa 1de la loi organique de 1999 est constaté ?
Au sens de l’article 12 alinéa 1 de la loi organique «toute personne majeure
capable âgée de vingt et un ans au plus dont le père ou la mère a le statut
civil coutumier, et qui a joui pendant au moins cinq ans de la possession
d'état de personne de statut civil coutumier, peut demander le statut civil
coutumier »
Avant d’évoquer
3) la possession d’état d’appartenance au statut coutumier, 2) le droit pour une personne la possibilité de changer son statut personnel, et 4) le respect des droits fondamentaux d’avoir une famille et une vie privée, on va d’abord
s’intéresser à 1) la recevabilité de la requête.
1)
La recevabilité de la requête.
Les affaires coutumières ne sont
pas du droit commun et la loi organique précise
en effet quel juge est compétent pour
en juger. La particularité de la Nouvelle Calédonie en ce qui concerne
le statut civil coutumier oblige, de par
l’article 19 de la loi organique de mars
1999, que « a
juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des
litiges et requêtes relatifs au statut civil coutumier ou aux terres
coutumières. Elle est alors complétée par des assesseurs coutumiers dans les
conditions prévues par la loi. ». Ce qui est le cas dans le litige, car on constate que c’est le tribunal de premier instance de
Nouméa qui est jugé en premier ressort et en deuxième ressort c’est la Cour d’Appel
de Nouméa en Formation coutumière. C’est-à-dire qu’il est composé des juges
ordinaire « complété »[iv].
En ce qui concerne le droit applicable, il ne
s’agira pas ici du droit commun, car le
litige relève d’une situation
coutumière, et c’est les articles 7 à 19
de la loi organique qui devraient être appliqués.
En ce qui concerne le délai défini à l’alinéa 1
de l’article 12 de la loi organique, le ministère public a raison de constaté l’irrecevabilité de la requête,
du fait de l’écoulement du délai prévu
par la loi pour revendiquer son appartenance à un statut. En effet Mr KARL X avait en 2010 lors de l’introduction en justice de sa demande, âgé
de plus de 21 ans. C’était l’argument
principal du parquet. Alors que les juges
en formation coutumière estime, que là n’est l’essentiel, puisque que
les intérêts coutumiers du requérant
sont plus important que le respect de la procédure. Et que cette
interprétation du parquet souvent
analogique, acceptable en droit commun, ne peut être appliquée dans
une situation particulière telle que celle-ci.
Il est question d’une personne qui a tous
des aspects pour appartenir à un
clan sauf qu’il a un statut de droit commun. Cette situation emmène à
saisir le juge en formation coutumière.
Ceci pour demander son changement de statut.
2)
Le droit
de revendiquer le statut civil coutumier
La
cour d’appel décide « qu’il convient donc d’écarter les
conclusions d’irrecevabilité du parquet général fondées sur le délai pour agir
de l’article 12 alinéa 1er de la loi organique, et d’examiner le bien-fondé de
la requête de M. X... au regard des seules dispositions de l’article 15 de la
loi organique du 19 mars 1999, cette requête s’analysant aussi bien en une
action en revendication de statut qu’en une demande d’accession au statut
coutumier Kanak ».
Le juge d’appel a opté pour une solution plutôt juste et adaptable au contexte de la situation
coutumière. On a plutôt une action en revendication de l’identité Kanak,
ce qui est clairement défini par le document d’orientions
de l’accord de Nouméa, que toute personne ayant perdu le statut civil
coutumier, peu importe la raison, « pourra le retrouver ».
Le revendicateur volontaire[v]
du statut civil peut être considéré
comme victime du fait que deux ans après sa naissance il est inscrit sous le registre du droit commun, au bureau
de l’état civil de Koné. Il aurait pu être
inscrit au registre coutumier. Aujourd’hui il est considéré comme ayant
perdu son statut coutumier à la naissance du fait de ses parents. Alors a de plein droit, ayant son père de statut
civil coutumier.
On remarque ici que le juge d’appel a accepté
le changement conformément aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 12 de la
loi organique et des dernier alinéa de l’article 13 de la loi organique, qui disposent que « toute personne qui
justifie d'un intérêt légitime dispose d'un délai d'un mois à compter de la
publication du changement de statut dans un journal d’annonces légales, pour
former opposition (art. 12, al. 4 et 5, mod. par la loi du 3 août 2009) »,
ou « pour préserver l’intérêt d’un
conjoint, des enfants(…) »
Le juge d’appel estime que son appartenance au Clan
est manifestement existante et que sa possession
d’état parle mieux que le problème du délai.
3) La possession d’état d’appartenance
au statut civil coutumier.
L’article 12, dans son alinéa 1er, dispose que « Toute personne majeure
capable âgée de vingt et un ans au plus dont le père ou la mère a le statut
civil coutumier, et qui a joui pendant au moins cinq ans de la possession
d’état de personne de statut civil coutumier, peut demander le statut civil
coutumier ».
Sans tenir
compte du problème de délai, on s’intéresse
ici sur la possession d’état du revendicateur volontaire du statut civil
coutumier. Cet article précise clairement qu’il faut avoir une possession d’état valant plus de 5 ans.
On constate que notre revendicateur de plein
droit a depuis sa naissance eu une vie plutôt coutumière. On effet il dit « je demande l’accession au statut
civil coutumier parce que j’ai toujours vécu à la tribu de Koniambo depuis ma
naissance. Cela me permettra de retrouver ma place au sein de mon clan, mais
aussi de pouvoir exercer mes droits fonciers » .Même,
le chef du clan a reconnu le statut civil coutumier. Il est marié avec une
femme de statut civil coutumier. Un de ses parents est de statut civil
coutumier. Ayant même le nom de famille de Clan. Quoi encore pour que le Ministère
public refuse, ou demande l’annulation
de son accession au statut qu’il veut. La société kanak est sociologiquement collective. C’est à des situations qui peuvent être considérées comme acquises en droit commun, peuvent être
du jour ou l’autre défaite, s’agissant
de la société kanak. C’est pour cela, et
par l’esprit de l’accord de Nouméa, le juge de la cour d’appel de Nouméa veut
orienter le jugement en s’adaptant à la réalité
contextuelle de la Nouvelle Calédonie, s’agissant de la question du statut des kanak.
Le grief du
ministère public soulève un autre problème
qui n’est pas que coutumière. C’est un droit fondamental, droit au respect de la famille et de la vie
privée.
4) le respect des droits fondamentaux
et particulièrement du droit au respect de la vie privée et du principe de
sécurité juridique.
La
situation sociale et familiale du requérant démontre que son intérêt est dans
la coutume ; que son statut social est déterminé par le fait d’être membre à
part entière du clan dont il porte le nom ; que son intérêt est de voir
reconnaître le statut coutumier qui a toujours été le sien ; que par ailleurs
cette exigence est conforme au principe de sécurité juridique, qui constitue
l’un des principes fondateurs de notre Droit, puisque le changement de statut
personnel du requérant permettra de conférer à son fils un statut conforme à
son vécu.
On
constate en effet qu’au regard du comportement social du requérant en sa
qualité de membre du clan, principe du respect dû à la vie privée, posé par
l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales, justifie de faire droit à cette demande, le principe
de l’indisponibilité de l’état des personnes, invoqué par le ministère public
dans ses observations orales, ne faisant pas obstacle à la modification de la
mention du statut civil d’appartenance de Mr KARLX, dès lors que le statut
personnel constitue un élément essentiel, sinon le plus important, de
l’identité et donc de l’état de la personne (en ce sens : Cass. Assemblée
plénière, 11 décembre 1992, Bull. 1992, AP, no13).
On
remarque que les juges du fonds de Nouméa maitrisent les matières coutumières. En ce sens donnent
des décisions qui prennent en le
contexte juridique et social de la nouvelle Calédonie.
Un
arrêt qui sera ensuite confirmé par la
cour de cassation en 26 juin 2013.
On en déduit que la portée de cet arrêt
sera grande dans le sens que la problématique de la procédure n’est
pas essentiel en ce qui concerne les affaires coutumières, s’agissant plutôt de changement de statut des personnes. L’essentiel
c’est de voir en face la réalité sociale
des personnes et de l'organisation de la société kanak. Car le statut civil coutumier est tel que l’application de droit doit prendre en compte certaines
spécificités locales.
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