Commentaire
d’Arrêt de la Cour Suprême de Canada.
General Motors vs Kravitz ,1979
Olivier Kasso Etudiant en Master 1 de droit
C’est un arrêt de la Cour suprême de
Canada rendu en 1979 qui
porte sur les limites à la liberté
contractuelle, notamment les vices cachés.
En espèce,
General Motors Produits of Canada Ltd v. Kravitz' ont l'avantage d'être très
simples et classiques. Kravitz à acheter du concessionnaire Plamondon une
automobile neuve fabrique par General Motors. Le contrat comporte la clause
habituelle de garantie des vices caches: réparation ou remplacement aux frais
du manufacturier et exclusion de tout autre recours contre le concessionnaire
et le manufacturier. Le véhicule se relève atteint de défauts cachés, que le
juge de première instance estimera assez sérieux pour justifier la résolution
de la vente. Par un jugement unanime de la Cour suprême, qui manifeste
d'ailleurs son intention d'en faire une décision de principe pour la protection
du consommateur, Kravitz obtient, solidairement contre General Motors et le
concessionnaire Plamondon, la restitution du prix ainsi que des
dommages-intérêt.
En ce qui concerne les motifs de la décision, le
sous-acquéreur est fondé à exercer ses recours non seulement contre son vendeur
mais également contre le manufacturier parce que la garantie des vices, due par
celui-ci au concessionnaire, lui a été transmise par le seul effet de la loi.
Par ailleurs, le manufacturier et le concessionnaire, étant présumés connaitre les vices, ne sont pas admis à invoquer
la clause limitative et doivent donc subir la résolution et les
dommages-intérêts en vertu de la garantie légale des vices cachés.
La question est de savoir ici si un sous-acquéreur peut-il poursuivre directement un ancien propriétaire, autre que celui
avec qui il a conclu une vente? La réponse est aujourd’hui évidente : un
sous-acquéreur peut poursuivre un manufacturier ou un ancien propriétaire pour
vice caché, même s’il n’a pas de contrat avec lui. Néanmoins, il est
intéressant de retourner en arrière pour retracer l’histoire de cette avancée
en droit. L’objectif de ce billet est de faire un lien entre cette évolution et
le droit immobilier
Cette question soulève trois
difficultés, Cela soulève trois
difficultés principales: la première résulte de la stipulation de non-garantie;
la deuxième a trait à l’effet de la garantie conventionnelle de G.M.; la
troisième provient du fait que Kravitz prétend invoquer un droit résultant d’un
contrat auquel il n’est pas partie.
I)
Stipulation de non garantie
La clause de non-garantie contenue dans le
contrat de vente entre Plamondon et Kravitz vise à écarter la garantie légale
des défauts du concessionnaire et du manufacturier. Même si nos tribunaux
admettent plus facilement que les tribunaux français la validité des clauses de
non-responsabilité, il n’y a pas de raison d’adopter une solution différente de
celle consacrée par la jurisprudence française lorsqu’il s’agit de la vente
d’un produit neuf par un vendeur professionnel à un acheteur d’occasion. Le
vendeur professionnel tout comme le fabricant a l’obligation de dénoncer les
vices cachés de la chose qu’ils vendent. Alors que de nos jours la vente est
fréquemment un contrat d’adhésion, il apparaît important de ne pas permettre
qu’un fabricant ou un vendeur professionnel puisse ignorer systématiquement la
garantie des vices cachés ou en restreindre les effets au détriment de
l’acheteur occasionnel. Cette solution, déjà adoptée par les tribunaux du
Québec, est d’ailleurs conforme à l’arrêt majoritaire de cette Cour dans Touchette c. Pizzagalli, [1938] R.C.S. 433. La stipulation
de non-garantie ne peut donc pas faire obstacle au recours de Kravitz contre
G.M
II)
l’effet de la garantie
conventionnelle de G.M
Lorsque Kravitz a pris possession de
l’automobile, Plamondon, agissant comme mandataire de G.M., lui a remis deux
livrets publiés par G.M. et dont certaines clauses constituent une garantie
conventionnelle consentie par G.M. Par cette garantie, G.M. veut supprimer sa
garantie légale comme celle de son concessionnaire et limiter l’étendue de sa
responsabilité. En vertu du principe déjà démontré selon lequel un fabricant ou
un vendeur professionnel ne peut écarter la garantie légale des vices cachés ou
limiter la responsabilité qui en découle, il faut tenir pour non écrite toute
disposition de la garantie conventionnelle qui aurait pour effet de dégager
G.M. de sa responsabilité en vertu de la garantie légale. La garantie
conventionnelle ne peut donc être invoquée à l’encontre du recours de Kravitz
contre G.M
III)
invocation par Kravitz d’un droit qui
en principe lui est étranger
Pour décider du bien-fondé du recours direct de
Kravitz contre G.M., il faut déterminer si la garantie légale des vices cachés
résultant de la vente entre G.M. et Plamondon a effet seulement entre les
parties immédiates du contrat ou si elle peut également bénéficier à un
acquéreur subséquent de la chose vendue. A l’appui de sa prétention que
l’intimé ne peut invoquer un droit qui résulte d’un contrat auquel il n’est pas
partie, l’appelante cite l’art. 1023 C.c.selon
lequel un contrat n’a d’effet qu’entre les parties contractantes. Mais la règle
énoncée à cet article n’est pas absolue, car elle est sujette à des exceptions
(art. 1028 à 1031 C.c.) qui posent des règles
différentes selon qu’il s’agit d’un droit ou d’une obligation. Si en général un
contrat ne lie que les parties contractantes, l’on semble par contre avoir
toujours reconnu qu’il est des droits qui se rattachent si étroitement à une
chose qu’ils ne peuvent bénéficier qu’au propriétaire de cette chose. A la
lumière de ce principe de la transmission des droits qui s’identifient avec la
chose ou en constituent l’accessoire, il faut dire que la garantie des vices
cachés est due, non pas seulement à l’acquéreur immédiat, mais également à tout
acquéreur subséquent de la chose. Le sous-acquéreur peut donc agir directement
contre le premier vendeur tant en résiliation qu’en dommages. Mais la
résiliation dont il s’agit est celle de la première vente puisque c’est elle
qui donne naissance à la garantie dont se prévaut le sous-acquéreur. Le prix
que le premier vendeur doit restituer est donc celui de la première vente,
c’est-à-dire celui qu’il a reçu. Quant à la différence entre le prix de la
première vente (prix de gros) et le prix de la deuxième vente (prix de détail),
elle est comprise dans les dommages-intérêts dus aux termes de l’art. 1527 C.c. En l’espèce, même si Kravitz ne
demande expressément que la résiliation de la vente qui lui a été consentie par
Plamondon, ses conclusions prises contre G.M. impliquent nécessairement que
Kravitz n’entendait pas que la vente entre G.M. et Plamondon continue d’avoir
effet. D’autre part Kravitz demande que G.M. soit tenue à lui rembourser le
prix qu’il a lui-même versé et la preuve n’indique pas le prix de la vente
consenti par G.M. à Plamondon. Cette omission est cependant sans importance; si
le prix reçu par G.M. est égal ou supérieur à celui payé à Plamondon, G.M. doit
restituer le prix qu’elle a reçu; si le prix reçu par G.M. est, comme il est
vraisemblable, inférieur à celui payé à Plamondon, G.M. doit payer en plus la
différence entre les deux prix, à titre de dommages-intérêts. Par conséquent,
G.M. doit, en vertu de la responsabilité légale des défauts cachés dont elle
est débitrice, payer à Kravitz le montant du prix de vente que celui-ci a versé
à Plamondon ainsi que les dommages qui sont la conséquence des vices cachés.
G.M. est solidaire avec Plamondon du paiement intégral de la somme due à
Kravitz, puisqu’il s’agit pour G.M. et Plamondon d’une affaire de commerce.
Comme la garantie légale des défauts cachés entraîne
la responsabilité de G.M., il n’y a pas lieu de se prononcer sur les deux
autres moyens invoqués par Kravitz, soit la garantie conventionnelle et la
responsabilité délictuelle
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire