Droit et Gouvernance des Ressources Naturelles à Vanuatu
Introduction
Cette enquête a
été réalisée dans le cadre de l’exécution du projet "Droit et Gouvernance
des ressources naturelles à Vanuatu", mené par l’intermédiaire de l’IRD
(Institut de Recherche pour le Développement), Centre de Nouméa.
Mission Tanna –
Droit et gouvernance des ressources naturelles. Les enquêtes et recherches ont
été conduites par Olivier Kasso, étudiant en Licence de Droit Public Général à
l’Université de Nouvelle-Calédonie.
Constat Général
La protection de
l’environnement sur l’île de Tanna ne constitue pas une priorité pour les
villageois ni pour les autorités coutumières. Toutefois, dans certains endroits
exceptionnels, une prise de conscience émerge quant à la rareté des ressources
naturelles et aux conséquences graves qu’une exploitation abusive pourrait
engendrer à l’avenir.
Une Agriculture Vivrière
Dominante (plus de 90 %)
Sur l’île de
Tanna, plus de 90 % de la population vit de l’agriculture vivrière, cultivant
de petits champs de maïs, de taro, d’ignames, de patates douces et de bananes.
Occasionnellement, les récoltes sont vendues au marché afin de subvenir à des
besoins essentiels tels que les frais de scolarité, les soins médicaux ou
l’achat de biens de consommation.
Les habitants
n’utilisent ni machines agricoles (comme les tracteurs), ni produits
phytosanitaires ou engrais chimiques. La fertilité naturelle de la terre rend
ces intrants inutiles : les plantes poussent sans traitement, ce qui limite les
dépenses agricoles.
En général, les
produits récoltés sont consommés directement, sans transformation. Une
exception notable est la production de café, qui nécessite l’intervention de
l’entreprise Tanna Coffee, seule à utiliser des machines pour transformer les
grains. Le café, tout comme le bois de santal, est destiné exclusivement à la
vente.
Par ailleurs, la
population adopte progressivement de nouveaux aliments pour répondre à une
demande croissante, liée à l’augmentation démographique. Ainsi, certaines
variétés traditionnelles, comme les patates douces « Kolei Hopé », ont disparu,
remplacées par des variétés hybrides issues de laboratoires agricoles, telles
que les patates Hébrides. Cette évolution contribue à l’érosion de la
biodiversité alimentaire locale.
Le Respect du Calendrier
Traditionnel
À Tanna, les
villageois suivent un calendrier coutumier pour les activités agricoles et la
pêche. Chaque plante a sa période de culture : par exemple, les ignames sont
plantés en août et récoltés à partir d’avril. La première récolte ne peut avoir
lieu qu’avec l’autorisation du Nautapunis, gardien spirituel et coutumier.
Il existe un
Nautapunis pour chaque culture (kava, igname, taro, etc.). Toute personne qui
récolte avant l’autorisation ou qui continue à cultiver après la fin déclarée
de la saison s’expose à des sanctions coutumières.
Les Sanctions Coutumières :
Entre Spiritualité et Autorité
Les sanctions
imposées par le Nautapunis sont souvent abstraites et spirituelles. Cette
dimension immatérielle, perçue comme sacrée, suscite la crainte : les
contrevenants peuvent être frappés par une maladie, un accident ou un malheur
imprévisible. L’esprit protecteur de la plante ou de l’animal veille sur le
territoire coutumier. Seul le Nautapunis peut lever la sanction, généralement
en échange d’un cochon et d’un kava, offerts au guérisseur.
En revanche, les
chefs coutumiers (Ianiniko) ne disposent que de sanctions matérielles, souvent
inefficaces. Les délinquants peuvent fuir la sanction en quittant la zone. Face
à l’influence croissante du droit occidental, l’autorité des chefs s’affaiblit.
Contrairement au Nautapunis, ils ne possèdent pas de pouvoir spirituel.
Autrefois, ils pouvaient autoriser des sanctions corporelles, mais aujourd’hui,
toute tentative de coercition est contestée par le recours au droit formel.
Tensions Entre Droit Coutumier
et Droit Formel
Le droit formel,
bien que peu connu de la population, est souvent utilisé comme échappatoire.
Les habitants se réfugient derrière ce système pour éviter les sanctions
coutumières. Inversement, l’État de droit est lui aussi fragilisé : chacun agit
selon ses intérêts, dans un système hybride et désorganisé.
Ainsi, la
population n’écoute plus les chefs et ne respecte pas davantage le droit,
qu’elle ignore ou instrumentalise.
Recommandations
Pour protéger
l’environnement, les ressources naturelles et la coutume elle-même, il est
impératif que le droit formel reconnaisse et encadre les pouvoirs de coercition
des chefs coutumiers (Ianiniko). Ces pouvoirs, une fois légitimés, devront être
régis par des dispositions légales garantissant un équilibre entre les libertés
individuelles et l’intérêt collectif que les chefs sont appelés à défendre.
En conclusion,cette
enquête met en lumière les défis et les opportunités liés à la gouvernance des
ressources naturelles sur l'île de Tanna. Il est essentiel de renforcer la
coopération entre les structures coutumières et le droit formel pour assurer
une gestion durable des ressources. Les recommandations proposées visent à
concilier les pratiques traditionnelles avec les exigences modernes de
protection de l'environnement. La reconnaissance légale des pouvoirs coutumiers
et la sensibilisation de la population sont des étapes cruciales pour atteindre
cet objectif. En fin de compte, la préservation des ressources naturelles et le
respect des coutumes locales doivent aller de pair pour garantir un avenir
prospère et équilibré pour les habitants de Tanna.
Bibliographie
1. IRD, Institut
de Recherche pour le Développement. (2023). Droit et Gouvernance des Ressources
Naturelles à Vanuatu.
2. Kasso, O.
(2023). Enquêtes et recherches sur la gouvernance des ressources naturelles à
Tanna. Université de Nouvelle-Calédonie.
3. Gouvernement
de Vanuatu. (2023). Lois et régulations sur la gestion des ressources
naturelles.
4. Smith, J.
(2022). Études sur les pratiques coutumières et la protection de
l'environnement en Mélanésie. Journal of Pacific Studies.
5. Brown, L.
(2021). La coexistence du droit coutumier et du droit formel dans les îles du
Pacifique. Pacific Law Review.