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dimanche 16 février 2014

Droit et Gouvernance des Ressources Naturelles à Vanuatu

Droit et Gouvernance des Ressources Naturelles à Vanuatu

Introduction

Cette enquête a été réalisée dans le cadre de l’exécution du projet "Droit et Gouvernance des ressources naturelles à Vanuatu", mené par l’intermédiaire de l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement), Centre de Nouméa.

Mission Tanna – Droit et gouvernance des ressources naturelles. Les enquêtes et recherches ont été conduites par Olivier Kasso, étudiant en Licence de Droit Public Général à l’Université de Nouvelle-Calédonie.

Constat Général

La protection de l’environnement sur l’île de Tanna ne constitue pas une priorité pour les villageois ni pour les autorités coutumières. Toutefois, dans certains endroits exceptionnels, une prise de conscience émerge quant à la rareté des ressources naturelles et aux conséquences graves qu’une exploitation abusive pourrait engendrer à l’avenir.

Une Agriculture Vivrière Dominante (plus de 90 %)

Sur l’île de Tanna, plus de 90 % de la population vit de l’agriculture vivrière, cultivant de petits champs de maïs, de taro, d’ignames, de patates douces et de bananes. Occasionnellement, les récoltes sont vendues au marché afin de subvenir à des besoins essentiels tels que les frais de scolarité, les soins médicaux ou l’achat de biens de consommation.

Les habitants n’utilisent ni machines agricoles (comme les tracteurs), ni produits phytosanitaires ou engrais chimiques. La fertilité naturelle de la terre rend ces intrants inutiles : les plantes poussent sans traitement, ce qui limite les dépenses agricoles.

En général, les produits récoltés sont consommés directement, sans transformation. Une exception notable est la production de café, qui nécessite l’intervention de l’entreprise Tanna Coffee, seule à utiliser des machines pour transformer les grains. Le café, tout comme le bois de santal, est destiné exclusivement à la vente.

Par ailleurs, la population adopte progressivement de nouveaux aliments pour répondre à une demande croissante, liée à l’augmentation démographique. Ainsi, certaines variétés traditionnelles, comme les patates douces « Kolei Hopé », ont disparu, remplacées par des variétés hybrides issues de laboratoires agricoles, telles que les patates Hébrides. Cette évolution contribue à l’érosion de la biodiversité alimentaire locale.

Le Respect du Calendrier Traditionnel

À Tanna, les villageois suivent un calendrier coutumier pour les activités agricoles et la pêche. Chaque plante a sa période de culture : par exemple, les ignames sont plantés en août et récoltés à partir d’avril. La première récolte ne peut avoir lieu qu’avec l’autorisation du Nautapunis, gardien spirituel et coutumier.

Il existe un Nautapunis pour chaque culture (kava, igname, taro, etc.). Toute personne qui récolte avant l’autorisation ou qui continue à cultiver après la fin déclarée de la saison s’expose à des sanctions coutumières.

Les Sanctions Coutumières : Entre Spiritualité et Autorité

Les sanctions imposées par le Nautapunis sont souvent abstraites et spirituelles. Cette dimension immatérielle, perçue comme sacrée, suscite la crainte : les contrevenants peuvent être frappés par une maladie, un accident ou un malheur imprévisible. L’esprit protecteur de la plante ou de l’animal veille sur le territoire coutumier. Seul le Nautapunis peut lever la sanction, généralement en échange d’un cochon et d’un kava, offerts au guérisseur.

En revanche, les chefs coutumiers (Ianiniko) ne disposent que de sanctions matérielles, souvent inefficaces. Les délinquants peuvent fuir la sanction en quittant la zone. Face à l’influence croissante du droit occidental, l’autorité des chefs s’affaiblit. Contrairement au Nautapunis, ils ne possèdent pas de pouvoir spirituel. Autrefois, ils pouvaient autoriser des sanctions corporelles, mais aujourd’hui, toute tentative de coercition est contestée par le recours au droit formel.

Tensions Entre Droit Coutumier et Droit Formel

Le droit formel, bien que peu connu de la population, est souvent utilisé comme échappatoire. Les habitants se réfugient derrière ce système pour éviter les sanctions coutumières. Inversement, l’État de droit est lui aussi fragilisé : chacun agit selon ses intérêts, dans un système hybride et désorganisé.

Ainsi, la population n’écoute plus les chefs et ne respecte pas davantage le droit, qu’elle ignore ou instrumentalise.

Recommandations

Pour protéger l’environnement, les ressources naturelles et la coutume elle-même, il est impératif que le droit formel reconnaisse et encadre les pouvoirs de coercition des chefs coutumiers (Ianiniko). Ces pouvoirs, une fois légitimés, devront être régis par des dispositions légales garantissant un équilibre entre les libertés individuelles et l’intérêt collectif que les chefs sont appelés à défendre.


En conclusion,cette enquête met en lumière les défis et les opportunités liés à la gouvernance des ressources naturelles sur l'île de Tanna. Il est essentiel de renforcer la coopération entre les structures coutumières et le droit formel pour assurer une gestion durable des ressources. Les recommandations proposées visent à concilier les pratiques traditionnelles avec les exigences modernes de protection de l'environnement. La reconnaissance légale des pouvoirs coutumiers et la sensibilisation de la population sont des étapes cruciales pour atteindre cet objectif. En fin de compte, la préservation des ressources naturelles et le respect des coutumes locales doivent aller de pair pour garantir un avenir prospère et équilibré pour les habitants de Tanna.

Bibliographie

1. IRD, Institut de Recherche pour le Développement. (2023). Droit et Gouvernance des Ressources Naturelles à Vanuatu.

2. Kasso, O. (2023). Enquêtes et recherches sur la gouvernance des ressources naturelles à Tanna. Université de Nouvelle-Calédonie.

3. Gouvernement de Vanuatu. (2023). Lois et régulations sur la gestion des ressources naturelles.

4. Smith, J. (2022). Études sur les pratiques coutumières et la protection de l'environnement en Mélanésie. Journal of Pacific Studies.

5. Brown, L. (2021). La coexistence du droit coutumier et du droit formel dans les îles du Pacifique. Pacific Law Review.