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mardi 19 mai 2015

Revendicateur du statut civil coutumier kanak: commentaire d’arrêt de la cour d'appel de Nouméa,en formation coutumière Audience publique du 19 avril 2012, N° de RG: 11/384

Contexte juridique Calédonien
Master 1 Droit 2015
Olivier KASSO

Commentaire d’arrêt de la cour d’appel de Nouméa en formation coutumière
 Audience  publique du 19 avril 2012, N° de RG: 11/384


« La  loi organique de mars 1999 formalisant a proposition de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998, a substitué les termes  statut civil coutumier  à  ceux du statut civil personnel pour désigner  les règles de droit civil s’appliquant à certaines personnes en Nouvelle Calédonie »[i]
                                                                                               
L’arrêt faisant l’objet  de notre étude  est rendu par la cour d’appel de Nouméa  en formation coutumière, et qui  date du 19 avril 2012, portant  sur le changement  de statut civil  commun au statut civil coutumier. Et notamment en ce  qui concerne la possession  d’Etat civil coutumier  qui est une preuve à l’acquisition  du statut coutumier Kanak.
On rappellera  que la possession d’état d’un kanak au statut  coutumier  se  définit par son lien particulier  à la terre et son appartenance à un clan   qui est  lui est définit par rapport à un espace spécifique avec, une vallée, une colline, la mer, une rivière (…)[ii]. On entend par  appartenance   qu’un individu de statut civil coutumier   doit posséder ces  traits.
De même les documents d’orientation de l’accord de Nouméa précise cette  adaptions juridique à la situation sociologique  de la Nouvelle Calédonie, que  “ toute personne pouvant relever du statut coutumier et qui s’en serait trouvée privée à la suite d’une renonciation faite par ses ancêtres ou par mariage ou par toute autre cause... pourra le retrouver “[iii] ;

Ce qui a fait l’objet de ce litige  qui opposait le requérant au ministère public.
En espèce Monsieur Karl X... est né le 26 juin 1982 à Koné et  déclaré deux plus tard comme  ayant le statut civil du droit commun.

 Il résulte en outre des actes de naissance de ses deux parents, que son père est de statut coutumier kanak, et  sa mère origine de colon est de statut civil de droit commun.

Agissant sur le fondement de l’article 15 de la loi organique du 19 mars 1999, M. Karl X... a saisi le tribunal civil de Nouméa, section détachée de Koné, le 17 décembre 2010, d’une “ requête à fin d’accession au statut civil coutumier “ tendant à constater la réalité du statut qui est le sien dans sa vie familiale et sociale, et à modifier en conséquence la mention de son statut personnel à l’état civil.  
Le ministère public a conclu, le 17 février 2011, à l’irrecevabilité de cette demande au motif que le requérant, âgé de plus de 21 ans au jour de sa requête, n’a pas présenté celle-ci dans le délai légal (trois ans à compter de la majorité) fixé par l’article 12, alinéa 1, de la loi organique du 19 mars 1999.


Toutefois par jugement du 21 février 2011, le tribunal, statuant en formation coutumière, y a fait droit, et a ordonné la transcription du jugement sur les registres de l’état civil des citoyens de statut coutumier de la mairie de Koné, outre les mentions en marge de l’acte de naissance, conformément à la loi, et du registre de recensement des citoyens de statut civil coutumier tenu à la mairie de Koné.
  Le tribunal s’est fondé sur un acte coutumier établi le 29 mars 2009, par l’officier public coutumier de l’aire Paici-Camuki, dont il résulte que le clan X... de la tribu de Koniambo, représenté par son chef de clan X... Philippe, Boaé, “ atteste l’appartenance à la filiation coutumière de M. X... Karl “, et évoque la situation matrimoniale de ce dernier et la naissance d’un enfant qui se trouve être de droit commun du fait du statut actuel du père. Il autorise, en conséquence, celui-ci à agir pour accéder au statut coutumier tant pour lui-même que pour son fils mineur Jean-Daniel.

Le tribunal qui a relevé que le requérant, quoi que né d’une mère de droit commun, vivait selon les règles coutumières, en a déduit qu’il justifiait de la possession d’état visée à l’article 12, et remplissait les conditions posées par les articles 12 à 16 de la loi organique. Le tribunal a ainsi fait droit à la requête (laquelle n’évoque pas la situation de l’enfant mineur).
Le ministère public est  débouté et  interjette un appel devant la Cour d’Appel de Nouméa, en formation coutumière. En effet le ministère public souligne que M. X..., âgé de plus de 21 ans à la date de sa requête, n’est plus recevable à agir, même s’il est en mesure de justifier d’une possession d’état continue de plus de 5 ans.
Telle est la  question que se pose la cour d’appel de Nouméa. Peut-on retrouver son statut civil coutumier bien que le non-respect de l’article 12 alinéa 1de la loi organique de 1999 est constaté ?
Au sens de l’article 12  alinéa 1 de la loi organique «toute personne majeure capable âgée de vingt et un ans au plus dont le père ou la mère a le statut civil coutumier, et qui a joui pendant au moins cinq ans de la possession d'état de personne de statut civil coutumier, peut demander le statut civil coutumier »

Avant d’évoquer  3) la possession d’état d’appartenance au statut coutumier,  2) le droit pour une personne  la possibilité  de changer son statut personnel,  et 4) le respect des droits fondamentaux  d’avoir une famille et une vie privée, on va d’abord s’intéresser à  1) la  recevabilité de la requête.

1)  La recevabilité de la requête.
Les affaires coutumières ne sont pas du droit commun et la loi organique précise  en effet quel juge est compétent pour  en juger. La particularité de la Nouvelle Calédonie en ce qui concerne le statut civil coutumier  oblige, de par l’article 19 de la  loi organique  de  mars 1999, que « a juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des litiges et requêtes relatifs au statut civil coutumier ou aux terres coutumières. Elle est alors complétée par des assesseurs coutumiers dans les conditions prévues par la loi. ». Ce   qui est le cas  dans le litige,  car on constate  que c’est le tribunal de premier instance de Nouméa qui est jugé en premier ressort et en deuxième ressort c’est la Cour d’Appel de Nouméa en Formation coutumière. C’est-à-dire qu’il est composé des juges ordinaire « complété »[iv].
  En ce qui concerne le droit applicable, il ne s’agira pas ici du droit commun, car  le litige relève  d’une situation coutumière, et c’est les articles  7 à 19 de la loi organique qui devraient être appliqués.
En ce qui concerne le délai défini à l’alinéa 1 de l’article 12 de la loi organique, le ministère public a raison  de constaté l’irrecevabilité de la requête, du fait de l’écoulement du délai  prévu par la loi pour revendiquer son appartenance à un statut. En effet  Mr KARL X avait en 2010 lors de  l’introduction en justice de sa  demande, âgé  de plus de 21 ans.  C’était l’argument principal du parquet. Alors que les juges  en formation coutumière estime, que là n’est l’essentiel, puisque que les intérêts coutumiers du requérant  sont plus important que le respect de la procédure. Et que cette interprétation du parquet  souvent analogique,  acceptable  en droit commun, ne peut être appliquée dans une situation particulière telle que celle-ci.
Il est question d’une personne qui  a tous  des aspects pour  appartenir à un clan sauf qu’il  a  un statut  de droit commun. Cette situation emmène à saisir le juge en formation coutumière.
Ceci pour demander son changement de statut.

2)  Le droit de revendiquer le statut civil coutumier  
La cour d’appel décide « qu’il convient donc d’écarter les conclusions d’irrecevabilité du parquet général fondées sur le délai pour agir de l’article 12 alinéa 1er de la loi organique, et d’examiner le bien-fondé de la requête de M. X... au regard des seules dispositions de l’article 15 de la loi organique du 19 mars 1999, cette requête s’analysant aussi bien en une action en revendication de statut qu’en une demande d’accession au statut coutumier Kanak ».

Le juge d’appel a opté pour une  solution plutôt juste  et adaptable au contexte de la situation coutumière.  On a plutôt une  action en revendication de l’identité Kanak, ce qui  est  clairement défini par le document d’orientions de l’accord de Nouméa, que toute personne ayant perdu le statut civil coutumier,  peu importe la raison,  «  pourra le retrouver ».
Le  revendicateur volontaire[v] du statut civil   peut être considéré comme  victime  du fait que deux ans après sa naissance  il est inscrit  sous le registre du droit commun, au bureau de l’état civil de Koné. Il aurait pu être  inscrit au registre coutumier. Aujourd’hui il est considéré comme ayant perdu  son statut  coutumier à la naissance du  fait de ses parents. Alors  a de plein droit, ayant son père de statut civil coutumier.

On remarque ici que le juge d’appel a accepté le changement conformément aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 12 de la loi organique et des dernier alinéa de l’article 13 de la loi organique,  qui disposent que « toute personne qui justifie d'un intérêt légitime dispose d'un délai d'un mois à compter de la publication du changement de statut dans un journal d’annonces légales, pour former opposition (art. 12, al. 4 et 5, mod. par la loi du 3 août 2009) », ou  « pour préserver l’intérêt d’un conjoint, des enfants(…) »

Le juge d’appel estime que son appartenance au Clan est manifestement existante  et que sa possession d’état  parle mieux que le problème du délai.


3)  La possession d’état d’appartenance au statut civil coutumier.

L’article 12, dans son alinéa 1er, dispose que « Toute personne majeure capable âgée de vingt et un ans au plus dont le père ou la mère a le statut civil coutumier, et qui a joui pendant au moins cinq ans de la possession d’état de personne de statut civil coutumier, peut demander le statut civil coutumier ». 

 Sans tenir compte  du problème de délai, on s’intéresse ici sur la possession d’état du revendicateur volontaire du statut civil coutumier.  Cet article précise  clairement qu’il faut avoir  une possession d’état valant plus de 5 ans.
On constate que notre revendicateur de plein droit  a depuis sa naissance  eu une vie  plutôt coutumière. On effet il dit « je demande l’accession au statut civil coutumier parce que j’ai toujours vécu à la tribu de Koniambo depuis ma naissance. Cela me permettra de retrouver ma place au sein de mon clan, mais aussi de pouvoir exercer mes droits fonciers » .Même, le chef du clan a reconnu le statut civil coutumier. Il est marié avec une femme de statut civil coutumier. Un de ses parents est de statut civil coutumier. Ayant même le nom de famille de Clan. Quoi encore pour que le Ministère public  refuse, ou demande l’annulation de son accession au statut qu’il veut.  La société kanak est sociologiquement  collective. C’est à  des situations  qui peuvent être considérées comme  acquises en droit commun, peuvent être du  jour ou l’autre défaite, s’agissant de  la société kanak. C’est pour cela, et par l’esprit de l’accord de Nouméa, le juge de la cour d’appel de Nouméa veut orienter le jugement en  s’adaptant à la réalité contextuelle de la Nouvelle Calédonie, s’agissant de la question  du statut des kanak.


Le  grief du ministère public   soulève un autre problème qui n’est pas que coutumière. C’est un droit fondamental,  droit au respect de la famille et de la vie privée.

4)  le respect des droits fondamentaux et particulièrement du droit au respect de la vie privée et du principe de sécurité juridique.

La situation sociale et familiale du requérant démontre que son intérêt est dans la coutume ; que son statut social est déterminé par le fait d’être membre à part entière du clan dont il porte le nom ; que son intérêt est de voir reconnaître le statut coutumier qui a toujours été le sien ; que par ailleurs cette exigence est conforme au principe de sécurité juridique, qui constitue l’un des principes fondateurs de notre Droit, puisque le changement de statut personnel du requérant permettra de conférer à son fils un statut conforme à son vécu.
On constate en effet qu’au regard du comportement social du requérant en sa qualité de membre du clan, principe du respect dû à la vie privée, posé par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, justifie de faire droit à cette demande, le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, invoqué par le ministère public dans ses observations orales, ne faisant pas obstacle à la modification de la mention du statut civil d’appartenance de Mr KARLX, dès lors que le statut personnel constitue un élément essentiel, sinon le plus important, de l’identité et donc de l’état de la personne (en ce sens : Cass. Assemblée plénière, 11 décembre 1992, Bull. 1992, AP, no13).

On remarque  que les juges du fonds    de Nouméa maitrisent  les matières coutumières. En ce sens donnent des décisions qui  prennent en le contexte juridique et social de la nouvelle Calédonie.

Un arrêt qui  sera ensuite confirmé par la cour de cassation en 26 juin 2013.

On en déduit  que la portée de cet arrêt sera  grande dans le  sens que la problématique de la procédure n’est pas essentiel en ce qui concerne les affaires coutumières,  s’agissant plutôt de changement de statut des personnes. L’essentiel c’est de voir en face la réalité  sociale des personnes et de l'organisation de la société kanak. Car le statut civil coutumier est  tel que l’application de droit  doit prendre en compte certaines spécificités locales.









[i] G. AGNIEL, statut civil coutumier, 2000
[ii] Préambule de l’accord de Nouméa, 1999
[iii] Document d’orientation de l’accord de Nouméa
[iv]  Article 19 de la loi organique alinéa 1
[v] E. Cornut  juridicité de la coutume Kanak

jeudi 14 mai 2015

Commentaire d’Arrêt de la Cour Suprême de Canada. General Motors vs Kravitz ,1979

Commentaire d’Arrêt de la Cour Suprême de Canada.  General Motors vs Kravitz ,1979


Olivier Kasso Etudiant en Master 1 de droit


C’est un arrêt de la Cour suprême  de  Canada  rendu en  1979   qui porte sur les limites  à la liberté contractuelle, notamment les vices cachés.
En espèce,  General Motors Produits of Canada Ltd v. Kravitz' ont l'avantage d'être très simples et classiques. Kravitz à acheter du concessionnaire Plamondon une automobile neuve fabrique par General Motors. Le contrat comporte la clause habituelle de garantie des vices caches: réparation ou remplacement aux frais du manufacturier et exclusion de tout autre recours contre le concessionnaire et le manufacturier. Le véhicule se relève atteint de défauts cachés, que le juge de première instance estimera assez sérieux pour justifier la résolution de la vente. Par un jugement unanime de la Cour suprême, qui manifeste d'ailleurs son intention d'en faire une décision de principe pour la protection du consommateur, Kravitz obtient, solidairement contre General Motors et le concessionnaire Plamondon, la restitution du prix ainsi que des dommages-intérêt.
En ce qui concerne les motifs de la décision, le sous-acquéreur est fondé à exercer ses recours non seulement contre son vendeur mais également contre le manufacturier parce que la garantie des vices, due par celui-ci au concessionnaire, lui a été transmise par le seul effet de la loi. Par ailleurs, le manufacturier et le concessionnaire, étant présumés  connaitre les vices, ne sont pas admis à invoquer la clause limitative et doivent donc subir la résolution et les dommages-intérêts en vertu de la garantie légale des vices cachés.

La  question est de savoir ici  si un sous-acquéreur peut-il poursuivre directement un ancien propriétaire, autre que celui avec qui il a conclu une vente? La réponse est aujourd’hui évidente : un sous-acquéreur peut poursuivre un manufacturier ou un ancien propriétaire pour vice caché, même s’il n’a pas de contrat avec lui. Néanmoins, il est intéressant de retourner en arrière pour retracer l’histoire de cette avancée en droit. L’objectif de ce billet est de faire un lien entre cette évolution et le droit immobilier
Cette question soulève trois difficultés,  Cela soulève trois difficultés principales: la première résulte de la stipulation de non-garantie; la deuxième a trait à l’effet de la garantie conventionnelle de G.M.; la troisième provient du fait que Kravitz prétend invoquer un droit résultant d’un contrat auquel il n’est pas partie.

I)                   Stipulation de non garantie
La clause de non-garantie contenue dans le contrat de vente entre Plamondon et Kravitz vise à écarter la garantie légale des défauts du concessionnaire et du manufacturier. Même si nos tribunaux admettent plus facilement que les tribunaux français la validité des clauses de non-responsabilité, il n’y a pas de raison d’adopter une solution différente de celle consacrée par la jurisprudence française lorsqu’il s’agit de la vente d’un produit neuf par un vendeur professionnel à un acheteur d’occasion. Le vendeur professionnel tout comme le fabricant a l’obligation de dénoncer les vices cachés de la chose qu’ils vendent. Alors que de nos jours la vente est fréquemment un contrat d’adhésion, il apparaît important de ne pas permettre qu’un fabricant ou un vendeur professionnel puisse ignorer systématiquement la garantie des vices cachés ou en restreindre les effets au détriment de l’acheteur occasionnel. Cette solution, déjà adoptée par les tribunaux du Québec, est d’ailleurs conforme à l’arrêt majoritaire de cette Cour dans Touchette c. Pizzagalli, [1938] R.C.S. 433. La stipulation de non-garantie ne peut donc pas faire obstacle au recours de Kravitz contre G.M

II)                l’effet de la garantie conventionnelle de G.M
Lorsque Kravitz a pris possession de l’automobile, Plamondon, agissant comme mandataire de G.M., lui a remis deux livrets publiés par G.M. et dont certaines clauses constituent une garantie conventionnelle consentie par G.M. Par cette garantie, G.M. veut supprimer sa garantie légale comme celle de son concessionnaire et limiter l’étendue de sa responsabilité. En vertu du principe déjà démontré selon lequel un fabricant ou un vendeur professionnel ne peut écarter la garantie légale des vices cachés ou limiter la responsabilité qui en découle, il faut tenir pour non écrite toute disposition de la garantie conventionnelle qui aurait pour effet de dégager G.M. de sa responsabilité en vertu de la garantie légale. La garantie conventionnelle ne peut donc être invoquée à l’encontre du recours de Kravitz contre G.M

III)             invocation par Kravitz d’un droit qui en principe lui est étranger

Pour décider du bien-fondé du recours direct de Kravitz contre G.M., il faut déterminer si la garantie légale des vices cachés résultant de la vente entre G.M. et Plamondon a effet seulement entre les parties immédiates du contrat ou si elle peut également bénéficier à un acquéreur subséquent de la chose vendue. A l’appui de sa prétention que l’intimé ne peut invoquer un droit qui résulte d’un contrat auquel il n’est pas partie, l’appelante cite l’art. 1023 C.c.selon lequel un contrat n’a d’effet qu’entre les parties contractantes. Mais la règle énoncée à cet article n’est pas absolue, car elle est sujette à des exceptions (art. 1028 à 1031 C.c.) qui posent des règles différentes selon qu’il s’agit d’un droit ou d’une obligation. Si en général un contrat ne lie que les parties contractantes, l’on semble par contre avoir toujours reconnu qu’il est des droits qui se rattachent si étroitement à une chose qu’ils ne peuvent bénéficier qu’au propriétaire de cette chose. A la lumière de ce principe de la transmission des droits qui s’identifient avec la chose ou en constituent l’accessoire, il faut dire que la garantie des vices cachés est due, non pas seulement à l’acquéreur immédiat, mais également à tout acquéreur subséquent de la chose. Le sous-acquéreur peut donc agir directement contre le premier vendeur tant en résiliation qu’en dommages. Mais la résiliation dont il s’agit est celle de la première vente puisque c’est elle qui donne naissance à la garantie dont se prévaut le sous-acquéreur. Le prix que le premier vendeur doit restituer est donc celui de la première vente, c’est-à-dire celui qu’il a reçu. Quant à la différence entre le prix de la première vente (prix de gros) et le prix de la deuxième vente (prix de détail), elle est comprise dans les dommages-intérêts dus aux termes de l’art. 1527 C.c. En l’espèce, même si Kravitz ne demande expressément que la résiliation de la vente qui lui a été consentie par Plamondon, ses conclusions prises contre G.M. impliquent nécessairement que Kravitz n’entendait pas que la vente entre G.M. et Plamondon continue d’avoir effet. D’autre part Kravitz demande que G.M. soit tenue à lui rembourser le prix qu’il a lui-même versé et la preuve n’indique pas le prix de la vente consenti par G.M. à Plamondon. Cette omission est cependant sans importance; si le prix reçu par G.M. est égal ou supérieur à celui payé à Plamondon, G.M. doit restituer le prix qu’elle a reçu; si le prix reçu par G.M. est, comme il est vraisemblable, inférieur à celui payé à Plamondon, G.M. doit payer en plus la différence entre les deux prix, à titre de dommages-intérêts. Par conséquent, G.M. doit, en vertu de la responsabilité légale des défauts cachés dont elle est débitrice, payer à Kravitz le montant du prix de vente que celui-ci a versé à Plamondon ainsi que les dommages qui sont la conséquence des vices cachés. G.M. est solidaire avec Plamondon du paiement intégral de la somme due à Kravitz, puisqu’il s’agit pour G.M. et Plamondon d’une affaire de commerce.
Comme la garantie légale des défauts cachés entraîne la responsabilité de G.M., il n’y a pas lieu de se prononcer sur les deux autres moyens invoqués par Kravitz, soit la garantie conventionnelle et la responsabilité délictuelle


«La portée constitutionnelle de la légistique repose sur la clarté et la précision de la loi»

KASSO OLIVIER


«La portée constitutionnelle de la légistique   repose sur la clarté et  la précision de la loi»

KASSO Olivier étudiant en Master de Droit


"Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément".
  BOILEAU

La légistique désigne l’ensemble des connaissances et des méthodes utilisées pour l’élaboration des actes normatifs et en  particulier du plus important d’entre eux : la loi. C'est l'art de faire la loi  ou science de la législation, la légistique propose des solutions pour améliorer la qualité des lois. Or, la qualité d’une chose ne peut être appréhendée qu’à partir du rôle ou de la fonction que l’on prête à celle-ci a priori. Prétendre améliorer la qualité des lois suppose donc de répondre au préalable à la question: qu’attendons-nous de nos lois?
Cette fonction de la loi apparaît de manière récurrente dans l’histoire des idées. Elle connaît à cet égard, les nombreuses fonctions attachées à l’acte législatif convergent nettement sur la garantie et la protection des droits et libertés. Notre tradition juridique place la loi au cœur du système normatif; c’est ce qu’on appelle le légicentrisme. Placée au centre du système, la loi a vocation à garantir les droits et libertés. Elle constitue un trait d’union entre la Constitution et les normes d’application. Elle apparaît comme la passerelle entre l’idéal et la réalité. Sa fonction essentielle est donc de concrétiser les droits et libertés, de leur conférer un contenu, de leur assurer des garanties, pour leur donner accès au réel.
Ainsi envisagée, la qualité de la loi devra s’apprécier au regard de cette finalité prédéterminée qui fait de la loi la «courroie de transmission» des droits et libertés de valeur constitutionnelle. Une loi de qualité aura vocation à mieux protéger les droits et les libertés, c’est-à-dire à renforcer leur effectivité. En proposant des solutions pour améliorer la qualité des lois, la légistique est donc appelée à jouer un rôle en matière d’effectivité.
La légistique entretient avec le droit des relations privilégiées mais non exclusives. Dans la mesure où cette discipline a vocation à définir les contours d’une «bonne loi», elle confine à l’exercice philosophique, voire utopique. La légistique renvoie à un idéal normatif : elle définit ce qui devrait être.
 L’émergence en France d’un véritable contrôle de constitutionnalité des lois a en effet permis à la légistique d’être «saisie par le droit»
Le conseil constitution a à plusieurs reprises mis en garde le législateur sur  la clarté et la précision de la loi. Ainsi émet certains objectif à valeur constitutionnelle qui sont  l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi.
L’intelligibilité de la loi s’entend comme la garantie que le contenu de la règle peut être compris par le citoyen intéressé par elle. L’accessibilité signifie qu’aucun obstacle n’est opposé à l’accès matériel au texte de cette règle.

Deux qualités que la rédaction de la loi doit respecter, en dérivent : clarté, précision. Lorsque la loi est précise et non équivoque, elle ne méconnaît pas l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. Dès lors, « il appartient au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie l’article 34 de la Constitution ; à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, lui imposent d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques » (Cons. const. n°2004-494 DC du 29 avril 2004, Loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social – Code du travail).

On s'intéressera    ici sur la portée  constitutionnelle de la légistique  qui sont la clarté et la précision , ainsi   qu' aux objectifs  à valeur  constitutionnelle de la légistique.



I)     Selon le Conseil  constitutionnel la loi  se doit d'être   claire et précise


En France, le Conseil constitutionnel a reconnu un « principe de clarté de la loi » qu'il a fait découler de l'article 34 de la Constitution. Il le distingue de l'« objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi » qu'il fonde sur les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 dont le but est de « prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi »

Il faudrait donc que la loi doit avoir un contenu normatif. Elle doit être claire, compréhensible. Elle doit pouvoir être appliquée sans ambiguïté. Les textes qui enfreignent ces règles encourent l’annulation.

Ainsi d’un très long  article de la loi de finances pour 2006 sur le plafonnement des niches fiscales dont les dispositions particulièrement complexes étaient devenues, au fil des amendements parlementaires,  incompréhensibles pour le contribuable.
Le conseil constitutionnel vient ainsi appuyer les efforts que le Conseil d’Etat a toujours consentis, dans les avis qu’il donne en vertu de  l’article 39 de la Constitution, pour assurer la qualité des projets de loi.
« Le même avis du Conseil d’Etat peut d’ailleurs désormais, c’est une autre novation de la réforme constitutionnelle de 2008, être requis vis à vis des propositions de loi déposées par les parlementaires, si le Président de l’assemblée saisie le demande ».
Tout cela va dans le bon sens et il est sain que l’intervention des légistes puisse contribuer à l’élaboration de lois  de meilleure qualité. Pour autant l’exercice a ses limites. Exigences politiques et rigueur juridique ne vont pas nécessairement de pair.
Le législateur aura toujours tendance à faire figurer dans la loi des déclarations de principe juridiquement superfétatoires mais qu’il considère comme nécessaires pour illustrer son dessein. Il continuera souvent à privilégier la recherche de compromis qui peuvent déboucher sur des textes relativement flous, dans lesquels chacun peut trouver son compte.

En droit suisse, le principe de clarté de la loi a été reconnu par la jurisprudence essentiellement sous son aspect de concrétisabilité: la loi doit être suffisamment précise afin que le justiciable soit en mesure de connaître ses droits et ses obligations dans le cas concret. Le Tribunal fédéral suisse l'a déduit du principe de la légalité (art. 5 de la Constitution fédérale). Il exige ainsi, par exemple dans le domaine des contributions publiques, que l'objet de l'impôt soit déterminé dans la loi avec « une clarté et une précision adéquates » et, plus généralement, il juge que plus l'atteinte à un droit fondamental est grave, plus la base légale doit être rédigée précisément.
La Cour de justice des Communautés européennes a déduit l'exigence de clarté du principe de sécurité juridique. Quant à la Cour européenne des droits de l'homme, la prévisibilité d'une règle de droit suppose que la norme soit « énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite; en s'entourant au besoin de conseils éclairés, il doit être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé »





II) l'accessibilité  et l'intelligibilité de la loi  sont des objectifs à valeur constitutionnelle.


Un nouveau texte est souvent proposé pour des raisons politiques ou médiatiques sans que son utilité soit démontrée. Il faut y regarder à deux fois avant de l’édicter. Il faut donc faire preuve d'intelligibilité, comme note le Conseil constitutionnel.

Il note que l'accessibilité et l'intelligibilité « peuvent être considérées en effet comme des préceptes issus de la légistique formelle, cette branche de la légistique qui est constituée des principes et connaissances tendant à améliorer la communication législative et la compréhension des textes législatifs. Elles sont les conditions mêmes de l'effectivité de la loi, dans la mesure où l'application de celle-ci est conditionnée par sa connaissance et sa compréhension par ses destinataires. [...] Leur qualité d'objectif de valeur constitutionnelle signifie que l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi ne constituent pas des droits subjectifs mais des conditions objectives d'effectivité des droits et libertés constitutionnels ainsi que des moyens de limitation de ceux-ci. Elles font partie d'une catégorie de normes constitutionnelles qui ont pour destinataire le législateur ».

1. La consécration de l'objectif

L'accessibilité et l'intelligibilité de la loi est un objectif à valeur constitutionnelle dégagé par le Conseil constitutionnel en 1999.
La loi avait habilité le gouvernement à procéder par voie d'ordonnances à l'adoption de neuf codes en raison du retard pris par le processus de codification du fait de l'engorgement du calendrier législatif.
Les requérants mettaient en avant la violation de l'article 38 de la Constitution sur les ordonnances et estimaient notamment que l'argument relatif au retard dans le travail de codification lié à l'encombrement du calendrier parlementaire n'était pas suffisant pour recourir à l'article 38.
Le Conseil constitutionnel ne les a pas suivis. Dans sa décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, afférente à la loi portant habilitation du gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes, il a considéré, de façon prétorienne, que « l'urgence est au nombre des justifications que le Gouvernement peut invoquer pour recourir à l'article 38 de la Constitution ; qu'en l'espèce, le Gouvernement a apporté au Parlement les précisions nécessaires en rappelant l'intérêt général qui s'attache à l'achèvement des neuf codes mentionnés à l'article 1er, auquel faisait obstacle l'encombrement de l'ordre du jour parlementaire ; que cette finalité répond au demeurant à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; qu'en effet l'égalité devant la loi énoncée par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et « la garantie des droits » requise par son article 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pas d'une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables ; qu'une telle connaissance est en outre nécessaire à l'exercice des droits et libertés garantis tant par l'article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n'a de bornes que celles déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel « tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas » ».

Le législateur a ainsi l'obligation de respecter l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
Aussi cet objectif peut-il constituer le fondement d'une déclaration de non-conformité à la Constitution.
Jusqu'à présent, le Conseil constitutionnel n'a prononcé qu'une seule censure sur cette base.
Il a en effet déclaré contraire à la Constitution l'article 7 de la loi portant réforme de l'élection des sénateurs relatif aux bulletins de vote et qui complétait l'article L. 52-3 du code électoral.
Ici encore, le Conseil s'est appuyé sur les travaux préparatoires pour apprécier l'intelligibilité de la loi.
Dans sa décision n° 2003-475 DC du 24 juillet 2003 portant sur cette loi, après avoir rappelé son considérant de principe sur la question, il a prononcé une censure pour atteinte « tant à l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi qu'au principe de loyauté du suffrage », sur la base de quatre considérations :
- « Il ressort des travaux parlementaires à l'issue desquels ont été adoptées ces dispositions que l'intention du législateur est de les rendre applicables à l'élection des sénateurs ; que, toutefois, l'article L. 52-3 ainsi complété figure au titre Ier du livre Ier du code électoral, dont les dispositions ne sont pas relatives à cette élection » ;
- « La portée normative du premier alinéa inséré à l'article L. 52-3 du code électoral est incertaine » ;
- « Les notions de « nom propre », de « liste présentée dans une circonscription départementale » et de « représentant d'un groupement ou parti politique » sont ambiguës » ;
- « Le dernier alinéa inséré au même article autorise, dans certains cas, l'inscription sur les bulletins de vote du nom de personnes qui ne sont pas candidates à l'élection ; [...] une telle inscription risquerait de créer la confusion dans l'esprit des électeurs et, ainsi, d'altérer la sincérité du scrutin ».

2. La loi peut être complexe sans être inintelligible


Si la loi doit être intelligible, elle peut être complexe sans être contraire à la Constitution.
Dans sa décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 portant sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Conseil constitutionnel a noté que, « si la loi déférée accroît encore la complexité des circuits financiers entre les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et les organismes créés pour concourir à leur financement, elle énonce de façon précise les nouvelles règles de financement qu'elle instaure ; qu'en particulier, elle détermine les nouvelles recettes de chaque organisme et fixe les clés de répartition du produit des impositions affectées ; qu'en outre, les transferts entre les différents fonds spécialisés et les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale sont précisément définis », et juge que « le surcroît de complexité introduit par la loi déférée n'est pas à lui seul de nature à la rendre contraire à la Constitution ».
Il a jugé dans le même sens dans sa décision n° 2001-447 DC du 18 juillet 2001 portant sur la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, tout en soulignant la réalité de la complexité accrue des circuits financiers relatifs à la protection sociale. Il a adopté la même position quelques mois plus tard concernant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, dans sa décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, bien que « la loi déférée se caractérise encore par la complexité des circuits financiers » de la protection sociale.
Ce type de loi, qui concerne en l'espèce le droit et le financement de la sécurité sociale, « sera toujours marqué par une technicité certaine et demeurera donc difficilement accessible pour des non-initiés. [...] Incontestablement, la difficulté essentielle pour le juge constitutionnel est de déterminer, spécialement pour des textes à forte technicité, le seuil abstrait de sur complexité générant une déclaration d'inconstitutionnalité ».
Le Conseil constitutionnel a également rejeté le grief soulevé par les requérants à l'encontre de la loi relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, selon lequel « l'ensemble du texte souffre d'une opacité qui nuit à son accessibilité par le citoyen », cette opacité ne pouvant, selon eux, que « paraître contradictoire avec l'objectif d'intelligibilité et de clarté de la loi ».
Les Cahiers du Conseil constitutionnel relèvent que « la complexité accrue [...] n'est donc nullement gratuite ». Le Conseil a en effet considéré, dans sa décision n° 2004-499 DC précitée, que, « si la loi déférée refond la législation relative à la protection des données personnelles, c'est en vue d'adapter cette législation à l'évolution des données techniques et des pratiques, ainsi que pour tirer les conséquences d'une directive communautaire ; qu'elle définit de façon précise les nouvelles règles de procédure et de fond applicables ». Dans des matières très techniques, le souci de précision du législateur le conduit à voter une loi complexe, mais cette complexité est nécessaire à l'intelligibilité.