En quoi les provinces
sont nécessaires dans l’ingénierie des institutions de la
Nouvelle Calédonie.
Etudiant : Olivier
KASSO Master 1 de Droit à UNC ,2015
Les ouvrages et articles
utilisés pour faire la synthèse.
1-
Les
institutions en Nouvelles Calédonie, Mathias CHAUCHAT, CDPNC, 2011
2-
Nouvelle-Calédonie :
Continuer à avancer vers le destin commun, rapport du sénat fait par Mme Sophie JOISSAINS, M. Jean-Pierre SUEUR et Mme
Catherine TASCA, Sénateurs, 2014
3-
Les
institutions pour un pays, Jean Yves FABERON, 2012
4-
Les
institutions de la Nouvelle-Calédonie, François GARDE, 2001
«Nous voulions faire des Provinces un outil de rééquilibrage. Il
fallait donc leur donner de vraies compétences (…) On a renversé le principe :
les compétences qui ne reviendraient pas à l’État ou aux communes iraient à ces
collectivités appelées Provinces pour bien montrer le changement (…) Il y a eu
une discussion très ardue sur les limites entre les Provinces Nord et Sud. La
commune de Poya a dû être coupée en deux sur le fameux “Creek Amick“».
Michel Rocard, Premier ministre de mai 1988 à juin 1991, signataire des accords
de Matignon-Oudinot
Depuis le statut Pisani jusqu’au
statut Pons II la Nouvelle Calédonie cherche à avoir un équilibre
institutionnel. Cet équilibre a été
trouvé pour la première fois avec l’accord de Matignon de 1989. Comme disant le
professeur J.Y. FABERON « la nouvelle Calédonie d’aujourd’hui, celle du
dialogue, de paix et de développement,
est la Nouvelle Calédonie provincialisée. Ses provinces en sont la clé
politique »[i]
Cela signifie que les provinces ont contribué de manière assez satisfaisante à l’ingénierie
des institutions de la Nouvelle
Calédonie. Avec le statut de l’accord de
Nouméa, constitutionalisé, les provinces comme les communes de la Nouvelle
Calédonie sont considérées par l’article
3 de la loi organique de 1998 comme
« des collectivités territoriales de la république ».
Par ailleurs, « elles s’administrent
librement par des assemblées élues au
suffrage universelle direct »,
comme tous les collectivités
décentralisées. La Nouvelle-Calédonie est
partagée en 3 provinces, qui sont provinces nord, province sud, province
des iles.
Comme décrit le Professeur Faberon, la provincialisation .est devenue « la clé politique » de vivre ensemble en
Nouvelle-Calédonie. En effet on constate
un partage de pouvoirs avec les
kanak (ce qui auparavant ne se faisait
quasiment pas). Le partage des pouvoirs avec le kanak fait que les
provinces Nord et Iles sont administrées
par les indépendantistes et celle du Sud par les loyalistes. Ça a donné
plus de valeur aux kanaks et on peut dire
qu’ils sont satisfaits d’administrer
de manière autonome les provinces.
On constate également que les
provinces ont les compétences de
principe (ou de droit commun), attribuées
par la loi organique de 19 mars
1998. Les provinces sont devenues de véritables
collectivités de la Nouvelles Calédonie
ayant des pouvoirs propres, régissant des matières distinctement de
celles de l’Etat et de la Nouvelle
Calédonie énumérées expressément dans la loi organique sous les articles 20 à 22.
Cependant on remarque encore des
disparités entre les provinces, ce qui suscite certaines critiques des uns et des autres au niveau de politique
de rééquilibrage, en effet « l’échec
du rééquilibrage ne pénalise pas que le Nord et les Îles, mais tout autant la
province Sud, d’où quelques flèches tirées sur les dirigeants indépendantistes
et son appel à créer une structure de concertation entre provinces »[ii]
Il s’agira ici de s’interroger sur comment la Nouvelle-Calédonie est
organiser en provinces et comment ce
modèle d’organisation va-t-il
participer bon fonctionnement des
institutions de Nouvelle Calédonie.
On évoquera dans une première
partie I) l’organisation et fonctionnement des provinces de la Nouvelle-Calédonie
et dans une deuxième partie ont
démontrera comment celles-ci ont
contribué au rééquilibrage politique et institutionnel.
I)
Organisation et fonctionnement des provinces de
Nouvelle-Calédonie
Les provinces de
Nouvelle-Calédonie est une invention
originale. On note 3 provinces de Nouvelle Calédonie.
On évoquera d’abord (A)
composition son fonctionnement des provinces et ensuite leurs compétences.
A) Composition et fonctionnement des provinces.
1)
Organe délibérant
L'Assemblée de Province élit en son
sein un président et trois vice-présidents pour la totalité de la mandature, le
vendredi suivant le scrutin de l'élection provinciale le jour de la séance
d'installation de l'institution présidée par son doyen d'âge assisté des deux
benjamins, sauf si le quorum de 3/5e de ses membres n'est pas réuni à cette
occasion. Si la majorité absolue est nécessaire pour obtenir un vainqueur aux
deux premiers tours, la majorité simple suffit au troisième tour. En cas
d'égalité des voix au troisième tour, le plus âgé des candidats l'emporte.
Elle se réunit au moins 1 fois tous
les deux mois
[iv]sur
convocation de son président, et chaque fois que celui-ci le juge utile, sauf
si en même temps a lieu une séance du
Congrès. Le Haut-commissaire, son Commissaire délégué dans la
Province ou le tiers des conseillers provinciaux peuvent demander une
convocation extraordinaire de l'Assemblée, forçant le président à la réunir
dans un délai de quinze jours sauf si le Haut-commissaire ou le Commissaire
délégué décide de raccourcir ce délai pour raison d'urgences
[v]. Et
si le président ne s'est pas exécuté dans ce laps de temps, le représentant de
l'État convoque lui-même l'assemblée. Le quorum nécessaire à l'ouverture d'une
séance est fixé à la moitié au moins des membres de l'assemblée provinciale.
Les séances sont publiques, sauf décision contraire des membres de l'assemblée
à la majorité absolue des votants, se font en présence du Haut-commissaire ou
de son représentant qui y ont un droit de parole et ont lieu à l'Hôtel de
Province situé au chef-lieu de la collectivité
L'assemblée légifère dans les champs
de compétence de la Province en votant le budget et les projets de
délibérations préparés par son président, l'approbation des comptes et son
règlement intérieur.
2) Organe exécutif de la province
a) Bureau
L’exécutif provincial est confié à un bureau élu par l’assemblées parmi
ces membres. Il comprend un président et trois vice-présidents. L’exécutif
n’est pas responsable devant l’assemblée.
Ce qui permet une stabilité comparant à
l’exécutif de gouvernement de la Nouvelle Calédonie qui lui est
responsable devant le Congrès.
On remarque toutefois, s’agissant de
la responsabilité de l’exécutif provincial,
que si l’assemblée refuse de voter le budget présenté par le président,
et adopte un autre budget, il est par
conséquent procédé selon l’article 164 de la loi organique à une nouvelle élection du bureau.
Le bureau peut se voir déléguer par l’assemblée une partie de ses attributions à l’exception du vote de budget, de
l’approbation des comptes et du règlement
intérieur, selon l’article 186 de loi organique.
b) Le président de province
S’agissant du Président de la province, la loi
organique lui octroie certaines attributions propres. Il représente
la province, il prépare et exécute les délibérations de l’assemblée. Il est
l’ordonnateur des dépenses et prescrit
l’exécution des recettes. Il gère
le domaine de la province.
Il est le chef de l’administration, c’est pour cela
il peut nommer aux emplois crées par l’assemblée. Il peut déléguer à un ou
plusieurs vice-présidents l’exercice
d’une partie de ses attributions
[vi] et
sa signature au secrétaire général de la
province et aux chefs de service
[vii]. Il assure
aussi la publication des
actes qui ressortent de la
compétence de province.
B)
Compétences des
provinces.
Les attributions des 3 assemblées n’ont pas
besoin de faire l’objet d’une
énumération puisque les provinces sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas
dévolues à l’Etat, à la Nouvelle Calédonie ou aux communes. C’est une compétence de principe, de droit
commun qu’ont les provinces. Les
répartitions de compétences figurent
dans l’article 20 de la loi organique.
Les
assemblées des provinces sont
donc compétentes dans les
domaines n’ayant pas expressément
attribués à l’Etat, la Nouvelle
Calédonie et les communes.
On peut se vanter du fait que les
provinces ont des compétences de
principes, mais on constate plutôt
que c’est une compétence négative ou des compétences résiduelles si on en tient aux remarques
des certains doctrines relatifs à la Nouvelle Calédonie.
La loi organique permet
à l’assemblée de chaque
province, de manière expresse les attributions administratives courantes
[viii]
comme le vote du budget qui est présenté par son président
[ix] et
l’approbation des comptes.
La loi organique précise également
d’autres attributions, autres que le vote du budget.
Chaque assemblée de province a la
compétence de règlementer et exercer les droit exploration, des gestion, et de conservation
des ressources biologiques et non biologiques
des eaux intérieures (Les eaux
intérieures sont les eaux situées en deçà de la ligne de base), des eaux surjacentes de la mer territoriale ( article 46
de la loi organique)
Chaque assemblée des trois
provinces sur son champ géographique
prend des décisions d’application de la réglementation relative aux
hydrocarbures, au nickel, au chrome, et au cobalt (article 40 de la loi
organique. Selon l’article 50 de la loi organique les provinces peuvent approuver les documents d’urbanisme
des communes.
II)
Provinces,
instituions contribuant à l’équilibre du
pays et répondant à l’esprit des accords de Matignon et de Nouméa.
Les accords de Matignon
avaient engagé un rééquilibrage territorial entre provinces que l’Accord de
Nouméa a consacré en indiquant que « le présent est le temps du partage, par le
rééquilibrage ».
On démontrera ici que les provinces ont permis
le partage des responsabilités, et ont
permis à ce que les kanak
participent aux prises des décisions concernant le pays et on permit une
répartition des richesses entre province. En effet les élus de la province sont également élus du congrès. Etant donné que les
provinces des iles et nord sont majoritairement indépendantes, ce qui
permet ainsi un équilibre au niveau du congrès.
A) Partage de pouvoir avec les kanak.
« Les provinces sont une création
des accords de Matignon afin d'assurer un partage du pouvoir entre non-indépendantistes
et indépendantistes, la province Sud devant revenir aux premiers et les
provinces Nord et des îles Loyauté aux seconds »x, constate le rapport de Senat
rendu en décembre 2014.
Aujourd’hui on constate une
satisfaction, une paix sociale qui existe depuis la création des provinces. On
assiste depuis l’accord de Matignon à un partage des compétences entre les
forces politiques du pays. Les indépendantistes se sentent plus utiles en
administrant eux même deux provinces. La province des iles est 100% gérée par
les indépendantes, la province nord est gérée majoritairement par les kanak
indépendantes.
On sait tous que La
provincialisation s'est faite en 1989 dans l'optique d'une partition politique
de la Nouvelle-Calédonie.
1)
Répartition
politique en province des iles
La Province des îles Loyauté est très
largement dominée par les indépendantistes du FLNKS, avec une opposition
traditionnelle entre l'Union calédonienne, généralement majoritaire, et le
Palika, qui bien qu'adversaire de l'UC lors des élections s'allie à elle
généralement à l'assemblée.
3) Répartition politique en province nord.
La Province Nord est
majoritairement indépendantiste, avec une opposition ici frontale au sein du
FLNKS entre l'UNI (qui regroupe le Palika et l'UPM) de Paul Néaoutyine (président
de la Province depuis 1999) et l'Union calédonienne qui a détenu la présidence
provinciale de 1989 à 1998. La présence anti-indépendantiste, qui a oscillé
entre1989 et 2004 et depuis 2014 entre 3 et 5 membres à l'Assemblée, est
réduite, du fait de sa division, suite aux élections provinciales de 2009 à
deux élus seulement : une Rassemblement-UMP et un ex-Rassemblement rallié à
Calédonie ensemble. Les deux listes non-indépendantistes, après l'échec d'une
tentative de liste unique, candidates aux élections provinciales de 2014 ont
permis de revenir à un poids plus important avec quatre élus dont trois de
Calédonie ensemble et un du Rassemblement-UMP. Les loyalistes représentent
entre un cinquième et un quart de l'électorat de la Province et est surtout
implanté sur la côte ouest où sont situées trois des quatre communes dirigées
par un maire anti-indépendantiste : Koumac (depuis toujours un fief
non-indépendantiste, avec un maire proche de l'Avenir ensemble depuis 2004),
Pouembout(jusqu'en 1995 et depuis 2008 avec un maire Avenir ensemble puis
Calédonie ensemble) et Poya (jusqu'en 1983, de 2001 à 2008 et depuis 2014 avec
une maire Calédonie ensemble).
4)
Répartition
politique en province sud.
La Province Sud est
majoritairement anti-indépendantiste, les partisans de la séparation avec la
France n'ayant plus eu de représentant au sein de son assemblée provinciale
entre 2004 et 2009, et n'a regagné à cette dernière date que 4 sièges sur 40,
puis 7 élus en 2014 à la faveur d'une liste réunissant l'ensemble des
formations nationalistes et de gauche. Sur les 13 communes de la Province (en
ne comptant pas Poya), seules Yaté (depuis toujours), Thio (jusqu'en 2004 et
depuis 2014) et l'Île des Pins (depuis2014) ont un maire indépendantiste.
Dominée de 1989 à 2004 par le RPCR (aujourd'hui Rassemblement-UMP) de Jacques
Lafleur, ce dernier s'est fait battre en 2004 par une nouvelle formation
baptisée Avenir ensemble rassemblant des dissidents de plus ou moins longue
date du Rassemblement critiquant sa gestion et l'accusant d'être trop
autoritaire. Les élections provinciales de 2009 ont été marquées par
l'éclatement du camp loyaliste, avec six listes représentant cette tendance sur
les onze listes qui étaient en course et quatre d'entre elles passant la barre des
5 % permettant d'obtenir des conseillers provinciaux. Aucun parti n'a de
majorité, même si le Rassemblement-UMP est arrivé en tête et obtient le
contrôle de l'institution. Aux élections provinciales de 2014, une
recomposition du camp non-indépendantiste aboutit à l'apparition de trois
grands blocs : Calédonie ensemble qui arrive en tête mais sans majorité absolue
; le Front pour l'unité (FPU) réunissant le Rassemblement-UMP, l'Avenir
ensemble et le LMD ; et l'Union pour la Calédonie dans la France (UCF) fédérant
le Mouvement populaire calédonien (MPC, fondé en 2013 par des dissidents du
Rassemblement-UMP), le Rassemblement (RPC, créé en 2006 par des dissidents du
Rassemblement-UMP fidèles à Jacques Lafleur) et le Mouvement républicain
calédonien (MRC, créé en 2011 par des dissidents du Rassemblement-UMP
favorables à un drapeau commun).[x]
B) Provinces institutions répondant à l’esprit des
Accords, Répartition de la richesse de manière équitable entre les provinces,
citoyenneté par le droit de vote.
1) Le rééquilibrage économique annoncé par les accords de Matignon puis
Nouméa voit petit à petit le jour.
Ce
rééquilibrage s’est manifesté par la construction d’équipements tels que la
route transversale « Koné-Tiwaka » qui relie les côtes ouest et est de la
province Nord. Il repose sur d’autres outils tels que la clé de répartition
entre les budgets provinciaux ou l’effort de formation. Ce rééquilibrage
s’exprime aussi à travers le développement de projets miniers qui assurent une
répartition équitable des retombées de l’exploitation du nickel, tant il est
vrai que, comme le disait à M. Pierre Bretegnier, ancien membre du Congrès, «
la Nouvelle-Calédonie bat au rythme du nickel ».[xi]
Le rééquilibrage se poursuit et permet de constater des premiers effets comme
le développement soutenu de Koné, chef-lieu de la province Nord à la suite de
l’usine de Doniambo désormais en état de fonctionnement. Cependant, si la «
provincialisation » a largement contribué au rééquilibrage, M. Paul Néaoutyine
et M. Neko Hnepeune, respectivement présidents de la province du Nord et des
îles Loyauté, rejettent l’idée que le rééquilibrage puisse être considéré comme
achevé.
2) Clé de répartition et solidarité
entre les provinces
Une
clé de répartition budgétaire entre provinces existe depuis la conclusion des
accords de Matignon et a été reconduite par l’Accord de Nouméa. En effet, les
ressources versées aux provinces, qui constituent l’essentiel de leurs
ressources financières, sont réparties, non en fonction d’une pondération
strictement fondée sur leurs poids démographiques respectifs, mais en fonction
de pourcentages prenant en compte les retards 1 L’article 5 de la loi organique
autorise la Nouvelle-Calédonie à déterminer « librement les signes identitaires
permettant de marquer sa personnalité aux côtés de l’emblème national et des
signes de la République » par une décision du congrès à la majorité des trois
cinquièmes de ses membres. Ce retard qui frappe les provinces Nord et des îles
Loyauté en matière de développement.[xii]
La clé de répartition est gravée à l'article 181 de la loi organique (50 %
pour la province Sud, 32 % pour la province Nord et 18 % pour la province des
Îles Loyauté, pour la dotation de fonctionnement). Il faut, pour la modifier,
une majorité des 3/5ème au Congrès, dont ne dispose pas le
pacte républicain.
La province Sud concentrait déjà en 1999 (à la date de la loi organique) 68
% de la population, le Nord 21 % et les îles 11 %. Aujourd’hui, la population
en 2009 de la province Sud est 74,5 %, celle du Nord de 18,4 % et celle des
Îles de 7,1 %. On notera quand même que le déséquilibre, s’il s’est accentué, ne
l’a pas non plus été de manière écrasante. Les indépendantistes considèrent
qu’il n’y a pas que l’exode rural qui est responsable de faire enfler le Sud.
Ils demandent qu’on déduise des chiffres les immigrants français… Bref, c'est
un débat complexe qui nécessite de s'interroger sur le principe du
rééquilibrage et sur les compromis possibles au Congrès.[xiii]
Le Rassemblement avait déposé le 18 octobre 2010
une proposition de loi du pays portant affectation de recettes fiscales et une
proposition de délibération portant création du fonds de développement des
collectivités locales. Ces propositions étaient signées par les élus du RUMP, à
l'exception notable de Léontine Ponga, élue du Nord.[xiv]
Cette proposition de loi
du pays, en ce qu'elle vise à contourner presque explicitement la majorité des
3/5ème nécessaire à la modification de la clé de répartition,
était tout simplement contraire à la loi organique, disons inconstitutionnelle
pour faire simple. Ce n'est pas un raisonnement juridique compliqué. La loi
organique a fixé les recettes fiscales de la Nouvelle-Calédonie ; elle les a
réparties suivant une clé de répartition fixée à l'article 181 sans prévoir
d'autres modalités ; elle a fixé une procédure particulière de modification à
la majorité des 3/5ème. Si on touche à la procédure elle-même (en
utilisant la majorité simple), ou à l'équilibre des masses financières (en
retirant des recettes de l'assiette fiscale de la Nouvelle-Calédonie pour les
affecter à un fonds), on ne respecte pas la loi organique. Et la réponse
politique sur le fonds de développement interprovincial est venue de la province
Nord le 22 décembre 2010. Le président Paul Néaoutyine s’est fermement opposé à
la création d’un « mode de gouvernance d’opérations provinciales à
l’échelle de la Nouvelle-Calédonie (…) qui propose tout
simplement la mise en œuvre d’une gouvernance parallèle ». Il a
poursuivi : «Je ne veux participer à rien qui soit utilisé à contourner
ou à déstabiliser le bon fonctionnement des institutions de l’Accord de
Nouméa ».
Calédonie ensemble a
alors déposé deux propositions de loi du pays. La première vise à modifier la
clé de répartition pour tenir compte des évolutions de population. La clé
passerait à 56,5 %, 29,30 % et 14,20 % respectivement pour le Sud, le Nord
et les Îles. La seconde vise à créer des centimes additionnels sur les produits
de jeux qui seraient prélevés par la province où est situé l’établissement,
donc le Sud. Le président du Congrès les a transmises pour avis au
Conseil d’Etat, suivant l’article 100 de la loi organique. Le Conseil d’Etat a
répondu le 13 janvier 2011, sous les n° 384.776 et 384.777.[xv]. S’agissant de possible
modification de la clé de répartition, le Conseil d’Etat (CE) par un avis admet qu’il n’est pas impossible d’avoir une
modification raisonnable.[xvi] Ceci dit qu’il est
toujours possible de revoir la clé de répartition suivant l’évolution
de la population. On estime qu’il y a de
plus en plus de population de la
province des iles loyautés et la population de la province Nord qui immigrent à
la province Sud. Ce qui fausse éventuellement le pourcentage de répartition des dotations. Certains
loyalistes, comme Pierre Bretegnier
avoue publiquement que la
politique de rééquilibrage est un
échec, pas que dans les provinces nord
et iles, même pire dans les provinces sud.
Le mécanisme de la clé de répartition budgétaire entre
provinces
Sur le plan budgétaire, la péréquation entre les trois
provinces s’exerce à travers le budget de la Nouvelle-Calédonie qui assure le
versement des dotations de fonctionnement et d’investissement aux trois
provinces. Ces dernières ne disposent en complément que de recettes fiscales
propres très limitées, se réduisant à 6 % de leurs recettes réelles de
fonctionnement, et de dotations directement versées par l’État pour compenser
des charges transférées (dotation globale de fonctionnement et dotation globale
d’équipement et de construction des collèges). L’essentiel des finances
provinciales provient donc du budget de la Nouvelle-Calédonie. La part du
budget territorial à destination des provinces est affectée selon une clé de
répartition prévue par l’article 181 de la loi organique du 19 mars 1999 : -
pour la dotation de fonctionnement : 50 % pour la province Sud, 32 % pour la
province Nord et 18 % pour la province des îles Loyauté ; - pour la dotation
d’équipement : 40 % pour la province Sud, 40 % pour la province Nord et 20 %
pour la province des îles Loyauté. Cette clé de répartition constitue une aide
en faveur du rééquilibrage au bénéfice des provinces Nord et des îles Loyauté.
En effet, si la répartition des dotations entre provinces s’opérait sur un
critère purement démographique, elle conduirait à verser 74,5 % à la province
Sud, 18,4 % à la province Nord et 7,1 % à la province des îles Loyauté. Depuis
2004, elle peut être modifiée, outre par la loi organique, par une loi du pays
votée à la majorité des trois cinquièmes des membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Source :
Ministre de l’Outre-mer
3) Citoyenneté et droit de vote aux élections
provinciales.
Le vote aux élections
provinciales est aujourd’hui un élément
clé pour devenir non pas que citoyen de la province mais surtout une condition pour être citoyen de la
Nouvelle Calédonie. Inversement pour
voter aux élections provinciales il faut remplir les conditions de
citoyenneté du pays.
« Les provinces disposent
d'une légitimité démocratique forte puisque les membres de l'assemblée de
province sont élus au suffrage direct »[xvii].
Le corps électoral participant à cette élection est restreint comme l'exige
l'Accord de Nouméa. Cette restriction du droit de vote a appelé deux révisions
constitutionnelles, en 1998 puis en 2007.
Dès la signature de la
déclaration de Matignon le 26 juin 1988, l'État, le FLNKS et le RPCR ont
convenu que les « populations intéressées » à l'avenir du territoire
seraient seules habilitées à se prononcer lors des
scrutins déterminants pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, c'est-à-dire les
élections au Congrès et aux assemblées de province.
Reprenant ce qui avait
été initialement envisagé en 1988, le point 2.2.1 du document
d'orientation de l'Accord de Nouméa prévoit que, « comme il avait été prévu dans le texte signé des accords de Matignon,
le corps électoral aux assemblées des provinces et au congrès sera restreint ».
Toutefois, lors des
négociations difficiles qui ont abouti à l'Accord de Nouméa, le FLNKS a accepté, à la demande du RPCR, d'étendre aux électeurs
arrivés avant 1998 la possibilité de participer aux élections au Congrès et aux
assemblées de province, à la condition qu'ils justifient de dix ans de
résidence à la date de l'élection.
Le juge constitutionnel [xviii]estime
qu'il ressort de la loi organique du 19 mars 1999 que doivent notamment participer à l'élection des assemblées de province
et du Congrès les personnes qui, à la date de l'élection figurent au tableau
annexe mentionné au I de l'article 189 et sont domiciliées
depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle-Calédonie, même
postérieure au 8 novembre 1998.
Le Conseil
constitutionnel fonde cette interprétation sur l'idée « qu'une telle
définition du corps électoral restreint est au demeurant seule conforme à la
volonté du pouvoir constituant, éclairée par les travaux parlementaires dont
est issu l'article 77 de la Constitution, et respecte l'accord de Nouméa,
aux termes duquel font partie du corps électoral aux
assemblées des provinces et au congrès, notamment, les électeurs qui,
"inscrits au tableau annexe, rempliront une condition de domicile de dix
ans à la date de l'élection"».[xix]
Le juge constitutionnel
fait donc prévaloir la théorie du corps électoral « glissant ». En l'absence de stipulation expresse de l'Accord de Nouméa
excluant la participation des Français installés en Nouvelle-Calédonie après le
8 novembre 1998 aux élections aux assemblées de province et au Congrès, il
a retenu l'interprétation la moins restrictive du corps électoral.
Pour rétablir un corps
électoral « gelé », la loi constitutionnelle[xx]
Constitution a introduit une disposition interprétative. Si cette révision
constitutionnelle est saluée par les indépendantistes qui estiment qu'elle
rétablit la lecture correcte de l'Accord de Nouméa, elle a été vivement critiquée
par plusieurs responsables non-indépendantistes qui la jugent comme une
« trahison » de l'Accord cautionnée par le Parlement.
Sous
l'impulsion de l'Union calédonienne, plusieurs recours ont été engagés devant
les commissions administratives chargées d'élaborer les listes électorales puis
devant le juge judiciaire pour obtenir la radiation d'électeurs de la liste
électorale spéciale.
M. Gaël Yanno, président
du Congrès de la Nouvelle-Calédonie a fait valoir que les
23 000 personnes résidant en Nouvelle-Calédonie sans droit de vote pour
les élections provinciales sont des « sujets calédoniens », par
opposition aux citoyens calédoniens. Il notait que la restriction du droit de
vote de nationaux français pour des élections ayant lieu sur le territoire
français était à tout le moins paradoxale à l'heure de la proposition en faveur
du droit de vote des étrangers aux élections locales.
Pour les loyalistes comme
M. Gaël Yanno, il voyait dans les demandes de radiation d'électeurs une manœuvre
de la part de certains indépendantistes qui « pensant perdre, veulent
préventivement disqualifier la règle et l'arbitre », notamment auprès du
comité de décolonisation de l'Organisation des Nations unies, ce que
M. Georges Naturel, maire de Dumbéa, a confirmé en s'étonnant que les
contestations n'aient été soulevées qu'à la veille
des élections provinciales de 2014 alors que la révision des listes électorales
a lieu chaque année.
« Pour les
indépendantistes, le « gel du corps électoral » est une condition de
l'Accord de Nouméa qui doit éviter qu'un afflux brutal de résidents sans
attache profonde avec la Nouvelle-Calédonie »- comme
les fonctionnaires de l'État mutés - ne décident du destin de l'archipel.
M. Gérard Régnier, secrétaire général de l'Union calédonienne, a indiqué
que des recours contre l'inscription sur des listes électorales spéciales
avaient été engagés dès 2009.
M.
Neko Hnepeune, président de l'assemblée de la province des îles Loyautés'est
dit convaincu du bien-fondé des recours introduits même s'ils n'avaient pu
aboutir pour des raisons procédurales.
[i] Les institutions pour un pays, J.Y. FABERON
[ii] Le rééquilibrage a échoué, P.
BRETEGNIER, 06 janvier 2012, les nouvelles Calédoniennes
[iii] Article 192
de la loi organique sur mode de
scrutin et remplacement des membres des assemblées.
[iv] Article 162 de la loi organique
[v]
Article 162 de loi organique
[vi] Article
173 de la loi organique
[vii]
Article 174 de la loi organique.
[viii]
Statut constitutionnel de la Nouvelle Calédonie, F. LUCHAIRE, 2000
[ix]
Article 183 de la loi organique
[x]
Etudes sur les forces politiques dans les provinces, 2015
[xi]
RAPPORT D´INFORMATION FAIT au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration
générale (1) sur la Nouvelle-Calédonie, Par Mme Sophie JOISSAINS, M.
Jean-Pierre SUEUR et Mme Catherine TASCA,
[xii] Les institutions en Nouvelle Calédonie, M.
CHAUCHAT, 2011
[xiii] Clé de répartition, proposition de Calédonie
Ensemble, 2014
[xiv]
Les nouvelles calédoniennes, 2010
[xv]
Commentaire de M. CHAUCHAT, sur la
proposition de la clé de répartition.
[xvi]
http://larje.univ-nc.nc/images/stories/Avis_CE_384777_2011.pdf
[xviii]
Décision n° 99-410 DC
du 15 mars 1999
[xix]
Décision n° 99-410 DC
du 15 mars 1999
[xx]
Loi
n°
2007-237 du 23 février 2007 modifiant l'article 77 de la Constitution